Nom d'une PipeLa massification de la musique force à faire le tri entre artistes véritables et enculeurs de tous domaines. Il se trouve que Pensées Nocturnes est dans la seconde catégorie. Sans vouloir dresser une liste exhaustive des enculeurs, on y trouve les crétins du tube, les ouvriers du néant, les branleurs de pines… Comme si cela ne suffisait pas, on peut bien entendu cumuler les vices. Il suffit de regarder Sektemtum (celle là, c'est cadeau).

En revanche, ils partagent tous deux attributs. L'impression d'être unique et l’exhibitionnisme. Ce qui conduit à saturer la scène musicale d'un tombereau de productions sans intérêts. Un peu comme la neige qui s'accumule devant votre porte en hiver et la bloque. Sauf qu'à la place des petits flocons de neige uniques et gracieux, il faut plutôt imaginer un gros tas de compost organique.

Il est rare que l'enculeur soit un précurseur. Auquel cas on parle d'« avant-gardiste ». Catégorie à laquelle notre enculeur s'accroche souvent comme une tique. Puisqu'il est unique, personne ne peut avoir eu une idée aussi merveilleuse avant lui. Dans son délire d'hyperbole le press kit va jusqu'à dire que Nom d'une pipe est « plus qu'une album de metal d'avant-garde ». Plus simplement, il était un annonciateur avant que ça soit cool. Je crois qu'actuellement, on dit juste « hipster ».

Maintenant que vous savez reconnaître un enculeur, nous allons voir pourquoi nous sommes en présence d'un spécimen de concours.

L'ouverture de l'album se fait dans une sorte de délire où se mêlent, guitares, samples, cuivres, grosse caisse, frime, foire d'eunuques et godes-prétextes. Pensées Nocturnes multiplie les instruments comme Eluveitie ses musiciens sur scène. Entre enculeurs, ils se comprennent. Il y a des signes qui ne trompent pas. Le drame, c'est que tout ce Nom d'Une Pipe est comme ça. C'est rigoureusement la même chose du début à la fin.

L'artiste véritable compose pour mener la musique au delà des limites. Il assume la responsabilité de ses transgressions, et n'en a globalement rien à foutre si cela ne plait pas à l'auditeur. Pour faire simple Darkthrone s'en branle de savoir que tu n'as pas aimé son virage punk ou glam. Comme Peste Noire se sent concerné par le rejet de son dernier album. L'enculeur, lui, s'adresse aux « amateurs de musique ». Nom politiquement correct donné aux gens chiants, mais passons. Il craint (à tort souvent), que ceux-ci ne comprennent pas ou ne pardonnent pas ses violations. Alors, il explique, il traîne, il rabâche. Ou comment conduire une révolution avec l'accord des autorités compétentes. On a donc un album qui utilise en permanence les mêmes ficelles déjà bien usées. Les structures, bien nazes, le chant bien lourd… On surnage dans la redite – du touchage de nouille pour du touchage de nouille.

Par exemple, le premier morceau se termine sur une rythmique free jazz foireuse. En plus d'être un style particulièrement en vogue chez les hipsters et les lignes téléphoniques payantes cela n'a rien d'innovant.

De même, sur « La chimère », on trouve un piano, et… Coluche. Le sample revendique un peu, on sent le frisson parcourir l'échine du tiède qui se branle à blanc. Ce n'est pas le seul morceau pilleur (de folklores et de musique classique), à qui mieux mieux, angoissé de bluffer, putassier jusqu'aux fibres. En effet Devos est également samplé. Il est vrai que son sketch « Parler pour ne rien dire » colle bien à l'album. Sans surprises et encore moins d'espoirs, les morceaux se terminent tous dans la même parade pour aliéné, pirouettes à rebours. Sans intérêt. Je parle d'aliénation, parce que le press kit (encore lui) me dit de glisser le mot « folie ». Mais il faut retenir que je tourne plus difficilement le dos à quelqu'un qui a l'air fou sans rien dire, qu'à quelqu'un qui le hurle sur tous les toits. Finalement, quand « Greensleeve » a retenti après un énième passage free jazz pour salle d'attente sur « La Sirène », j'ai craqué. La musique classique c'est le running gag du metalhead. Il est peut être temps de comprendre que non, ce n'est pas orignal, et que ceux qui savent bien le faire ne sont pas nombreux.

Bref, devant cette œuvre d'une profondeur insondable, aux multiples facettes et à l'originalité débordante, il est temps de s'incliner. Pensées Nocturnes a définitivement un train d'avance. Finalement, on ne peut que s'interroger sur la vacuité de nos existences tant ce pied de nez musical est une brillante satire de notre société. Ah, non pardon, ça c'est probablement ce que vont dire les autres chroniqueurs. En ce qui me concerne, je vais me contenter de m'en foutre.

Ymishima (Ø/10)

 

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LADLO Productions / 2013

Tracklist (50:04) : 1. Il a mangé le soleil 2. Le Marionnettiste 3. Les Hommes A La Moustache 4. Le Berger 5. La Chimère 6. L'Androgyne 7. La Sirène 8. Le Choeur Des Valseurs 9. Bonne bière Et Bonne Chère