oshy_07042015_AnnisokSi je ne dois retenir qu’une leçon après avoir rédiger quelques centaines de chroniques maintenant, c’est de ne jamais désespérer même si un groupe ou un genre musical vous laisse de marbre disque après disque. On ne sait finalement jamais d’où peut venir la lumière et il une bonne surprise peut toujours venir vous trouver au coin de la rue. J’étais à peu près dans cet état d’esprit concernant la scène metalcore qui ne cessait pas de me décevoir disque après disque par une musique très formatée, sans génie ni originalité. Les allemands d’ANNISOKAY avait déjà un peu réussi à ébrécher mon mur de certitudes à travers un premier album, The Lucid Dream[er] (chronique ici), réédité l’année dernière par SPV – Steamhammer. Le potentiel était bien là via un metalcore mélodique de bonne tenue, à la fois maîtrisé et inspiré. Un nouvel opus, celui que je tiens dans les mains, était alors annoncé mais nos beaux espoirs se trouvaient rapidement assombris par quelques annonces assez malheureuses comme le projet de reprise opportuniste du « Wrecking Ball » de Miley Cyrus. Mais tout cela est de l’histoire ancienne et nous attaquons l’écoute de cet Enigmatic Smile avec un sentiment positif.

Avant de parler du fond, un mot sur la forme et en particulier sur cette belle pochette, ce dessin à la fois séduisant et mystérieux. Pour ce nouvel album, les allemands ont tissé leur toile autour de l’histoire de l’inconnue de la Seine, jeune femme non-identifiée retrouvée noyée dans le fleuve après un suicide à priori autour des années 1880. Fait remarquable, le médecin légiste en charge de l’examiner aurait été saisi par la beauté et la sérénité de ce visage (cela reste relatif en voyant la photo originale) et en a réalisé un masque mortuaire. Ce visage devint un ornement populaire sur les murs des maisons d’artistes après 1900. Ce personnage nourrit tous les fantasmes quant aux raisons qui pouvait justifier l’expression heureuse de son visage à travers sa vie, sa mort et sa place dans la société de l’époque. L’inconnue de la Seine a également fait différente apparition dans la littérature française et allemande (chez Rainer Maria Rilke par exemple).

Le choix de ce thème saura en impressionner plus d’un et montre bien l’intelligence et la subtilité d’ANNISOKAY. Et la musique se veut du même tonneau, explorant différentes dimensions de cette histoire. Comme sur le précédent opus, le groupe se plait à jour sur les contrastes, musicalement parlant entre agressivité et douceur avec des riffs bien speed et tranchants contrebalancé par des parties plus mélodiques et accessibles. Le quintet ne ménage pas ses efforts et fait feu de tout bois en alternant passages techniques et beautés simples. Au niveau du chant, même démarche entre les hurlements et growls de Dave Grunewald complété du chant clair du guitariste Christoph Wieczorek. Le tout offre des contrastes intéressants et bien maîtrisés. Des brûlots comme « Carry Me Away » font très mal et montre un groupe au meilleur de sa forme. Le refrain claque et laisse une impression très positive. Nous sommes loin des circonvolutions stériles et artificiellement complexes de tant de groupe. ANNISOKAY a su faire le choix assez sage de réfréner ses instincts et de proposer des titres calibrés autour des trois ou quatre minutes. Cela leur évite ainsi de se perdre en fioritures inutiles. Les fans de metalcore seront heureux de retrouver ici tous les ingrédients de leur met préféré et les autres ne seront pas forcément mécontents non plus de constater que le groupe a su intelligemment sortir des carcans et donner un peu d’âme à tout ceci.

Sur la longueur, Enigmatic Smile maintient de bons standards même si tout n’est forcément génial. Disons que nous oscillons entre le très bon et le moyen sans jamais sombrer dans le médiocre. Et croyez-moi, pour un groupe de metalcore, il s’agit là d’un petit exploit.

Oshyrya (7,5/10)

 

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SPV – Long Branch Records / 2015

Tracklist (43:12 mn) 01. Carry Me Away 02. Fame 03. Snowblind 04. Panic Attack 05. Wolves In The Walls 06. Fragile Line 07. Traveler 08. Life Cycles 09. Naked City 10. New Autumn Light 11. What Is Left