Archive for février, 2019

Anagnorisis – Peripeteia

Il est parfois compliqué d’expliquer pourquoi un album nous touche tellement. Parfois, les mots sont vains, ils ne suffisent pas à dévoiler pleinement l’impact d’un morceau, d’une composition sur son auditeur. Cela fait deux ans que j’écoute Peripeteia, troisième album des Américains d’Anagnorisis, et j’ai supprimé au moins dix fois mes ébauches de chronique. Parce que ces quelques lignes n’étaient qu’un pâle reflet de ce que cet album évoquait pour moi. Et encore maintenant, alors que je m’apprête enfin à pondre cette chronique, j’ai le sentiment que tout ne sera pas dit. Ou que, de toute façon, vous ne comprendriez pas parce que vous n’êtes pas moi. Et tant pis/mieux pour vous.

Peripeteia est une ode au regret. À l’amertume. Tout au long de l’album, parsemé ici et là de samples d’enregistrements du chanteur et de son père lorsqu’il n’était encore un enfant, le chanteur règle ses comptes avec sa famille, déversant un torrent de rancœur. À l’instar d’un Death Karma, Anagnorisis s’écarte des thèmes habituels du genre, privilégiant ici la vie, la vraie vie, avec son lot de déceptions. Et le résultat est poignant. Sans sombrer dans la noirceur dépressive d’un groupe de DSBM, Anagnorisis véhicule une noirceur différente, comme usée jusqu’à la corde. Les morceaux sont variés et proposent tantôt des déferlantes de blast, tantôt des passages apaisés, mélodieux et mélancoliques. Rien n’est gratuit, chaque élément, chaque ajout vient magnifier le propos.

Cet album est un voyage. La plupart des albums s’écoutent avec plaisir. Celui-ci se vit. C’est du moins mon expérience personnelle. Entre puit de noirceur et ascension vers la lumière, Peripeteia est un coup de maître. 53 minutes et pas une seconde superflue.

Mister Patate (9,5/10)

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Vendetta Records / 2016
Tracklist (53:00) 1. Transparent – 2. Disgust & Remorse, Pt I 3. Disgust & Remorse, Pt II 4. 5306 Morningside 5. Night Skies over Nothingness 6. Peripeteia 7. Metamorphosis 8. Transparent +

Altarage – The Approaching Roar

Chaque année, au moins un label propose dès le mois de janvier un album qui a les épaules suffisamment larges pour prétendre à une place dans le Top 3 de l’année. Et rares sont ceux qui parviennent à tenir la distance jusqu’en décembre. Dans mon souvenir, mis à part The Project Hate MCMXCIX (un ancien pensionnaire du label phocéen), aucun groupe n’est parvenu à s’inscrire dans la durée et à se rappeler à mon bon souvenir quand le boss arrive avec son sempiternel « bon, il est temps de bourrer les urnes ». Mais cette année, la surprise pourrait venir de Bilbao…

The Approaching Roar, troisième effort des Basques d’Altarage, est un pavé monstrueux. Noir, étouffant, cet album ne fait pas le moindre compromis. Dès l’opener « Sighting », le groupe délivre un assaut des plus cinglants. La galette a beau être sortie chez Underground Activists (la branche plus axée Black Metal de SoM), Altarage nous propose un album qui, à mes yeux, lorgne largement plus vers le Death pimenté d’une petite touche de Black. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cet album enterre, et de loin, une grosse partie de la concurrence. Quelle noirceur ! Quel jusqu’au-boutisme ! Même lorsqu’il lève le pied, le groupe garde cette force de frappe impitoyable, comme une coulée de boue qui ensevelit tout.

Altarage sonne comme un Primitive Man qui aurait décidé de se mettre au blast, ou comme un Ulcerate qui aurait décidé de mettre de côté les aspects techniques pour se concentrer sur l’oppression auditive. Du haut de ses 42 minutes et quelques poussières, The Approaching Roar est éprouvant. Et on en redemande.

Mister Patate (9/10)

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Season Of Mist Underground Activists / 2019
Tracklist (42:32) 1. Sighting 2. Knowledge 3. Urn 4. Hieroglyphic Certainty 5. Cyclopean Clash 6. Inhabitant 7. Chaworos Sephelln 8. Werbuild 9. Engineer

Alors que la majorité de la scène Black Metal actuelle chante à la gloire de son ami imaginaire maléfique ou prend des poses constipées en avançant à qui veut l’entendre que sa couleur de peau lui donne une valeur supérieure aux autres, Death Karma exploite à nouveau un créneau intéressant, celui de la mort et, en filigrane, des rites funéraires.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce thème est exploité à merveille. Que ce soit au niveau des visuels pour chacun des rituels (ceux qui n’ont pas acheté l’album peuvent les découvrir dans la vidéo Youtube officielle) ou au niveau des ambiances, Death Karma a fait un véritable travail d’orfèvre. Percussions tribales sur « Voodoo », mantras sur « Sky Burial », cette intro épique et mélodique pour « Ship Burial »… Ces petits ajouts apportent vraiment un plus et démontrent une maîtrise particulièrement impressionnante de la part du groupe. Si je devais faire la fine bouche, je reprocherais à « Pharaohs » une immersion moins marquée que sur d’autres morceaux, comme si le groupe n’avait pas osé se lancer dans un trip à la Nile.

Vu le CV des gars (ils officient aussi chez les excellents Cult Of Fire), j’étais assez confiant quand un lecteur m’a recommandé de me pencher sur le cas de Death Karma. Mais cet album dépasse largement mes attentes. À l’instar d’un Kriegsmaschine, Death Karma s’écarte du Black Metal chiant pour nous proposer quelque chose de plus grand, de plus audacieux. Du grand art.

Mister Patate (9/10)

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Beyond Eyes Productions / 2018
Tracklist (51:06) 1. Haiti – Voodoo 2. Tibet – Sky Burial 3. Scandinavia – Ship Burial 4. New Zealand – Mongrel Mob 5. Egypt – Pharaohs 6. Indonesia – Tana Toraja 7. Czech Republic – Ossuary 8. Japan – The Sea of Silence Trees (bonus track)