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Trap Them – Crown Feral

crown-feralPour ceux qui ne connaissent pas encore Trap Them, il serait peut-être temps de s’y mettre. Parce que les mecs se sont fait une place de choix dans la caste trèèèèès privée des bucherons ascendants déboucheurs d’égout. Les mecs produisent un tord-boyau énervé depuis 4 albums, le premier datant de 2007. Je dois bien avouer que j’attendais le petit cinquième avec impatience.  Le précédent (Blissfucker) m’avait un peu laissé sur ma faim. Faut dire que Darker handcraft avait absolument effacé toutes tentatives de compétition autour de lui dans la catégorie « méchanceté sombre ». Succéder à un chef-d’œuvre n’est jamais chose facile.  Mais bref, pour celui-ci j’attendais du lourd, j’attendais du barbare, du bourrin et pas de l’intellectualisation outrancière.

Si un quelque chose illustre bien le mot « Urgence » (outre George Clooney), c’est bien un bon album de Trap Them.  Pas d’urgence dans la production ou dans la composition, mais bel et bien de ce qui émane de leur musique. Une spontanéité agressive implacable et contagieuse. Le genre de truc à ne pas écouter un vendredi à 17h14 dans un bouchon de fonctionnaires si tu veux rester courtois et poli.

Avec Crown Feral, les Bostoniens laissent juste le temps du premier titre (Kindred dirt) pour se préparer. Une sorte d’intro sale, lourde et rampante qui donne le ton en terme d'ambiance de fond de cuve. Et puis c’est la correction! Hellionnaire (titre présenté peu avant la sortie de l’album) commence sur les chapeaux de roue. Les enfoirés annoncent la couleur et d’une bien belle manière. Des riffs rapides, des mélodies répétitives et inspirées, soutenues par un batteur monstrueux d’énergie. En un morceau, le groupe revient à ses fondamentaux avec une efficacité imparable. Et c’est ce qui ressort de cette 5e plaque, un mélange de patates de forrain bien gratuites, brutales, instinctives et viscérales (Prodigala, Luster pendulums, Speak Nigh, Stray of the tongue), de morceaux lents, lourds et sales désormais typiques d’un album de Trap Them digne de ce nom (Kindred dirt, Twitching in the Auras). Ryan McKenney tient toujours la baraque derrière le micro. Il n'y a pas une honce de relachement ou de tentative de se calmer de ce côté-là. La basse grogne à souhait, la batterie mattraque plus que des flics en intervention dans une manif; les gratteux sont en feux sur des riffs qui sont maintenant leur signature. Bref, Trap Them ne rigole toujours pas.  

La production est à la hauteur de ce que l'on peut attendre: lèchée, pointue, proprement sale (si si tu vois ce que je veux dire). Elle met parfaitement en valeur tous les atouts du groupe. 

Cet album fait du bien par où il passe. C’est brut, c’est immédiat, ça ne réfléchit pas, ça se bouffe en une fois sans respirer! L’énergie de Crown Feral va soit vous traverser et vous donner envie de sauter dans tous les sens; ou alors elle va vous applatir la face. Dans ce second cas de figure, vous allez subir l’engouement de votre compagnon de covoiturage qui, lui au moins, a du gout et va même penser à augmenter le volume dans l'abitacle pour bien vous le faire comprendre.

Kadaf (8/10)

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Prosthetic/2016

Tracklist (31mn): 01. Kindred Dirt 02. Hellionnaire 03. Prodigala 04. Luster Pendulums 05. Malengines Here, where they should be 06. Speak nigh 07. Twitching in the Auras 08. Revival Spines 09. Stray of the tongue 10. Phantom air.

Oathbreaker – Rheia

oathbreaker-rheiaDans les poncifs et les lieux communs entourant  la carrière des groupes, on dit souvent que le troisième album fait office de tournant, « album de la maturité ». Depuis son premier album sorti en 2011 (Maelström), le quatuor gantois de Oathbreaker a toujours proposé une musique tranchée, développant une identité forte. Une voix féminine essentiellement hurlée, posée sur des morceaux inspirés, souvent frontaux, aux ambiances lourdes et sombres. La proximité musicale et physique du groupe avec la Church of Ra étant, de ce point de vue, assez évidente.   Si Eros/Anteros, sorti en 2013, a confirmé le potentiel des flamands, ce deuxième album a également permis aux auditeurs de se familiariser progressivement avec la voix claire de Caro Tanghe. Une chanteuse atypique qui semble parvenir à déjouer habilement les clichés du genre : metal + voix féminine = volume et nichons mis en valeur. L’introspection semblant correspondre beaucoup mieux aux propositions faites par les Gantois.

À l’écoute de Needle in your skin, annonçant la sortie d’un nouvel album, on sentait bien que quelque chose se tramait. La sortie du clip du double morceau 10 :56 + Second son of R. a largement confirmé ce sentiment. Dès la première écoute, Rheia s’apparente à une collision entre ciel et terre, entre des envolées aériennes et la dureté de riffs sales, durs comme la pierre. Pour son troisième album, Oathbreaker a manifestement décidé d’affirmer un peu plus son identité: sombre, inspirée, riche et radicale. Parce qu’il s’agit bien de radicalité dans les choix artistiques qui sont posés sur cet album. Les compositions prennent  à contrepied et proposent quelque chose de neuf en s’éloignant des évidences. Des choix osés et pas toujours faciles à appréhender à la première écoute.

Si cet album suprend, c'est en premier lieu par la place qu'y occupe la voix clair. Présente sur l’ensemble des morceaux, elle est polymorphe. Ce choix  étonne et désarçonne au premier abord, mais se révèle fort intelligent et inspiré sur la longueur. Car Rheia est la preuve que Caro Tanghe a les ressources nécessaires pour relever un tel défi. Un talent que l'on constate dans l'intelligence des mélodies et dans leur subtilité. Le ton est aux dissonances et aux chuchotements, pas aux tentatives intempestives de produire un cliché.  Aux passages en force systématiques, elle préfère les nuances et la noirceur tranquille d'un chant tantôt fragile, tantôt rageur.  Sa voix claire se caractérise plutôt par la juste intention sur des compositions qui alternent les ambiances et développe des identités nouvelles à chaque plage. Ces choix décuplent l’impact des parties criées, comme la fin apocalyptique  de Second son of R..

Il serait néanmoins réducteur de ne parler que de "la voix" de Oathbreaker pour caractériser ce nouvel album.  Le travail de composition est énorme et se caractérise par une  prise de risque générale. Les éléments caractéristiques que le groupe a proposé sur ses deux premières plaques sont ici accentués, taillés, travaillés. Le 4 membres scellent ici  une nouvelle étape, non seulement dans le cheminement de leur identité musicale, mais également d'une scène toute entière. Rheia est une proposition riche, novatrice et cohérente: alternance du bpm, successions d’envolées aériennes et d’agression de guitares soutenue par une section rythmique toujours très inspirée. .

À l’écoute de l’ensemble de l’album, il y a bien entendu des morceaux qui sortent du lot. Mais l'album  s'écoute surtout comme un tout, un concept que le groupe dévoile en 10 plages. En témoigne la présence du morceau acoustique Stay here/ accroche moi (seul morceau dispensable selon moi) et de la plage énigmatique I’m sorry this is qui, l’un comme l’autre, semblent avoir pour fonction de permettre à l’auditeur de respirer, ou de donner au tout une cohérence globale.

Inspiré, puissant, brillant et sombre, Rheia ne peut pas laisser indifférent. Oathbreaker offre tout au long de cet album un concentré d’intelligence, de violence, d’émotions et de prises de risques qui permettront certainement au groupe d’assoir un peu plus son statut de groupe incontournable de l’alléchant catalogue de l’écurie Deathwish. Une pépite pour les oreilles averties! Oathbreaker vient de donner sa définition du noir.

Kadaf (8.5/10)

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Deathwish / 2016

Tracklist (63:22): 1.10 :56 2. Second son of R. 3. Being able to feel nothing 4. Stay here/accroche moi 5. Needles in your skin 6. Immortals 7. I’m sorry, this is 8. Where I live 9. Where I leave 10. Begeerte

 

hangman's chair

Autant le dire d'entrée de jeux, cet album fait d'ores et déjà partie de mes coups de coeur 2015, voir de ces 5 dernières années.

Hangman's Chair a fait de la dépression, de la misère humaine et de la crasse les sources d'inspiration centrales de leur musique. Mais ils sont surtout parvenus à les utiliser avec justesse, sans surjouer et sans jamais tomber dans les travers mièvres et/ ou excessifs qui auraient rapidement donné à leur musique des relents terriblement chiqués, convenus et déjà entendus. Ce qui fait la force de ce combo parisien, c'est le sincérité du propos combinée à une musique caractérisée par la lenteur, la noirceur  et la non compromission.

Les plaques précédentes ( dont le joyeux Hope? Dope? Rope?) utilisait déjà les ingrédients qui ont donné au groupe ses lettres de noblesse aux oreilles des amateurs du genre. Ce nouveau brûlot, intitulé « This is not supposed to be postive » (les connaisseurs apprécieront certainement toute l'ironie contenue dans ce titre) démontre que Hangman's Chair continue à peaufiner son art et à tailler dans la matière brute pour en retirer de nouvelles nuances et de nouvelles subtilités. Au travers d'une écoute plus attentive  on découvre un travail sur l'équilibre dans les morceaux-même, mais aussi au travers de tout l'album.  La présence d'interludes et de passages instrumentaux, l'alternance entre les coups de guitares/massues et les passages tantôt aériens, tantôt plus rythmiques, sont autant de preuves de leur intelligence musicale.  
Et puis il y a la voix de  Cédric Toufouti…. car la qualité de cet album réside aussi dans l'étendue de son talent au chant, et du talent il en a. Il se prête à un véritable exercice de style tout au long des 50 minutes que dure le voyage.
Mais ce qui marque surtout dans « This is not supposed to be postive », ce sont les différentes écoutes qu'il est possible de faire de l'album. Il y a du refrain accrocheur, de la rugausité distillée, de la finesse dans la rythmique. Cette plaque est réellement un petit bijou qui après 15 écoutes successives parvient toujours à s'apprécier. Car au-delà de l'équilibre finement installée, c'est aussi l'intelligence des arrangements qui donne à cet album une patte aussi marquée. Si cette caractéristique tenait déjà sur l'album précédent, la cuvée 2015 que nous propose Hangman's Chair démontre, à ceux qui en doutaient encore, que leur musique est tout sauf une affaire de bourrins rugueux 

Il y a une âme dans la musique de cette équipe parisienne, et les arrangements qu'ils proposent en sont la preuve. Ils sont particulièrement bien mis en valeur par la production qui est, selon moi, parfaite. Elle met bien en avant la section rythmique qui permet quand même de donner à la musique du groupe un relief tout particulier. Les grattes sont grosses, sâles et elle porte la voix pour aboutir à une cohérence assez impressionnante.

Néanmoins, je ne serais pas étonné que les fans de la première heure soient un peu déçus de ce « This is not supposed to be postive ». Peut-être un peu moins dur, peut-être un peu moins « à vif » que ces prédécesseurs. peut-être dans une veine plus nostalgique (dans la voix), mais c'est terriblement bien réalisé. On est en présence d'un groupe qui ose, et qui le fait avec talent. Je vais même me permettre une comparaison que je laisserai à l'appréciation de chacun, mais cet album me fait penser à ce qu'un groupe comme Alice in Chains aurait pu pondre durant les années 90 s'il était resté intéressant après la mort de Layne Staley. En plus dure, en plus radicale et tranché, certainement, mais en tout aussi sombre et bandant qu'un Dirt.

Hangman's Chair vient de pondre, selon moi, ce que la France à fait de mieux depuis de nombreuses années. Décomplexé, juste, talentueux…. j'avais prévenu que je risquais d'être difficilement objectif, mais cette plaque mérite largement mieux qu'une description méthodique d'une succession de morceaux. 

Mange-la toi en te laissant l'opportunité de pouvoir hocher de la tête à ton aise. Mange là toi au casque, dans ta caisse, mais mange là toi!!! 

Kadaf (09/10)

www.facebook.com/hangmanschair/

Tracklist (50 minutes): Dripping low, Cut up Kids, Requiem, Your Stone, Save Yourself, Les enfants des monstres pleurent leur désespoir, Flashback, No one says goodbye like me, Dope Sick love, Rouge pour le sang bleu pour la grace.