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Eihwar – Ragnarök

Putaing cong, ils ont définitivement pété un boulard chez Season Of Mist. À croire que vivre à Marseille est devenu tellement déprimant qu’ils se sont mis à rêver du Nord. Et au lieu de simplement se faire une coloc’ avec Listenable dans le 5-9 (ou le 62, c’est pareil), ils ont signé Eihwar.

Eih-qui ? Eihwar, par Thor, straight outta Toulouse, la plus scandinave des villes françaises. Le Heilung low-cost du Puy du Fou, un duo dont la musique est pompeusement estampillée « Viking War Trance » alors que son énergie ferait passer Amon Amarth pour du Agoraphobic Nosebleed.

Odin, que c’est pauvre ! Les compos sont aussi lisses que l’armure de cosplay du Jean-Leif qui leur sert de grogneur, n’en déplaise au chargé de comm’ du Hellfest qui nous annonce « un mélange hybride pour une transe chamanique muant la Temple en dancefloor ». Le seul truc un tant soit peu subversif de ce projet, c’est le blackface de la chanteuse attifée en Bullerskydd (59,99 EUR au rayon couvertures d’Ikea, plaid effet fourrure garanti 100 % polyester sans souffrance animale). Elle va être belle, la Temple en plein aprèm, avec une horde de wannabe Ragnar qui ondulent du kilt en lampant de la Kro tiède dans leur corne en résine made in China pour séduire une Valkyrie (et comme le dit le proverbe : « Valkyrie, à moitié dans ton lit »). Le genre de spectacle à vouloir se faire crever les yeux par Hugin et Munin (les corbeaux d’Odin pour les non-initiés, histoire de rester dans le thème).

Ragnarök fait l’effet d’un spectacle cheapos dans un parc d’attractions pseudo-médiéval : on voit toutes les ficelles, on sent l’odeur plastique du « vrai cuir » des armures, les épées et les haches sont aussi émoussées que les compos poussives.

Season Of Mist avait déjà « l’original » dans ses artistes avec Heilung, les Phocéens viennent ajouter une pâle doublure qu’on nous survendra à gogo dans les fests comme « la sensation Viking » de 2024. Une belle leçon de marketing cynique de la part d’un label qui nous avait habitués à tellement mieux (et à Gronibard) par le passé. Ni énergique, ni dansant, Ragnarök est une musique d’ascenseur vers le Valhalla pour des cosplayers du froid transis depuis la fin de Vikings.

(skål/10)

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(Season Of Mist / 2023)
Tracklist (45:36) 1. Berserk 2. Fenrir 3. Ragnar’s Last Raid 4. Ragnarök 5. Skjaldmö 6. The Feast of Thor 7. The Forge 8. The New Vikings 9. Valhalla 10. Yggdrasil’s Renewal

The Acacia Strain – Step Into The Light

Depuis maintenant 4 ans et son inattendu In Comes In Waves, The Acacia Strain a sensiblement évolué. Certes, la bande à Vincent avait déjà, par le passé, fait preuve de quelques expérimentations intéressantes (le morceau-fleuve « Observer » sur l’album Coma Witch en étant le meilleur exemple), mais It Comes In Waves avait dévoilé une facette inattendue du groupe et sa capacité à lorgner vers le Doom. Et aujourd’hui, The Acacia Strain nous revient non pas avec un, mais avec deux albums : Step Into The Light (dont nous parlerons ici) et Failure Will Follow. Deux exercices de style, deux salles, deux ambiances, deux sales ambiances.

Step Into The Light est un assaut continu. Dix titres, 23 minutes 32 secondes et, malgré tout, une capacité à se faire tour à tour furieux ou écrasant (« TEETH OF THE CURSED GOD » qui lève le pied juste suffisamment pour mieux défoncer les nuques), à varier les plaisirs pour ne pas tomber dans l’excès du tout-à-fond. L’album a beau être court (paradoxalement plus court qu’ICIW considéré comme un EP), il n’en reste pas moins une épreuve de force, des montagnes russes qui flirtent parfois avec le black dans un grand parc d’attraction dédié à la mort (« As time goes on and we do not »).

Après un Slow Decay qui avait rythmé mon année 2020 en 5 épisodes, The Acacia Strain enfonce le clou avec cette petite grenade hardcore/deathcore absolument jouissive. Du haut de ses 23 minutes, il met à l’amende la toute grande majorité de la concurrence du genre. On regrettera juste qu’il soit si court… mais ce n’est qu’un détail vu la sortie simultanée de son jumeau pachydermique, Failure Will Follow.

(8,5/10)

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Rise Records – 2023
Tracklist (23:32) 1. FLOURISHING 2. CALF’S BLOOD 3. CHAIN 4. FRESH BONES 5. TEETH OF THE CURSED DOG 6. OPEN WOUND 7. SINKHOLE 8. IS THIS REALLY HAPPENING? 9. UNTENDED GRAVES 10. NONE OF US ASKED TO BE HERE

Trespasser – Αποκάλυψισ

Il fut un temps où j’attendais religieusement les mails des grands labels spécialisés. Nuclear Blast, Metal Blade, Century Media, Relapse… Les promos tombaient dans la mailbox quelques semaines avant la sortie, les grands noms côtoyaient des jeunes groupes prometteurs.

« Un nouveau Entombed ? Génial ! »

« Boss, boss, j’peux faire le nouvel Amon Amarth, promis, ma chro sera sur ton bureau d’ici une semaine ! »

Parce que oui, à l’époque, avant d’être le vieux connard que je suis, j’étais un jeune con impressionnable. Puis vinrent l’âge, la décrépitude des idoles et une furieuse faim de plus. Plus de groupes, plus de riffs, plus d’albums. Et aujourd’hui, ce n’est plus vers ces grands labels qui courent après leur gloire d’antan que je me tourne, mais vers Bandcamp, la mine d’or 2.0 pour les fans de musique.

Et c’est justement sur Bandcamp que j’ai découvert Trespasser, duo suédois qui a sorti une poignée de démos et un album (Чому не вийшло? pour les curieux) en 2018 sur une base indépendante avant de revenir aujourd’hui sur le devant de la scène avec ni plus ni moins qu’un solide prétendant au titre d’album de l’année. Rien que ça.

La recette de leur succès : un savant dosage de hargne et de mélodie. Pendant presque 40 minutes, Trespasser reste parfaitement sur le fil du rasoir. Le duo sait enfoncer l’accélérateur et balancer un barrage sonore et, quelques instants plus tard, lever le pied et apporter une pause plus mélodique sans que la transition ne soit abrupte. Tout se fait naturellement, sans la moindre impression de cassure ni le moindre temps mort. À ce niveau, ce n’est plus de la maîtrise, c’est du génie !

Prenez le meilleur de Dissection, d’Immortal, de Marduk, ajoutez-y une pointe de Ketzer époque Satan’s Boundaries Unchained pour le chant, un esprit anarchiste et un sentiment de révolte permanent. Voilà, vous avez une description certes réductrice mais tout à fait pertinente de ce que nous propose Trespasser. Αποκάλυψισ est un appel à la révolte, avec des textes recherchés, un artwork superbe et un sentiment d’urgence permanent. Avec ce deuxième album mené d’une main de maître et à nouveau sorti sur une base indépendante avant d’être distribué en formats physiques par Red Nebula, Pest Productions et Santa Diabla, Trespasser se propulse très haut dans le classement 2023. Et aucun grand label n’a aujourd’hui dans son écurie un groupe capable de rivaliser avec ce chef-d’œuvre.

(9/10)

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(Autoproduction – 2023)

Tracklist (38:54) 1. Forward Into the Light! 2. The Great Debt-Strike I: A Pillar of Smoke 3. The Honourable Thrall, or the Last Remnants of Peter’s Second Epistle Shrugged Off 4. Flakes of Ash 5. Holókaustos, or the Justification and Affirmation of Hierarchical Order by the Symbolism of Immolations 6. Hand in Hand Towards Har-Megiddo 7. The Great Debt-Strike II: יובל