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Nails – Every Bridge Burning

Malgré mon âge, je n’ai toujours pas saisi le concept de modération. Pourquoi se modérer ? Pourquoi ne pas vivre à 200 %, quitte à souffrir le lendemain ? Pourquoi ne pas se plonger tête première dans l’aventure ? Dans un monde où tant de personnes marchent sur des œufs, pourquoi ne pas avancer avec la délicatesse d’un bulldozer ?

Je suis persuadé que notre brave Todd (ex-Terror et maintenant frontman de Nails) est animé par le même questionnement. Et que sa réponse est la même que la mienne : s’il faut faire quelque chose, autant le faire à fond, en poussant tous les potards dans le rouge, en ignorant tout à fait les limites, en les repoussant allègrement et, SURTOUT, en faisant « tout à sa mode et le reste à sa guise ». Sinon, comment expliquer ce nouvel « album » (17 minutes et des poussières après 8 ans sans activité notable, si ce n’est quelques titres ici et là et une hécatombe dans le line-up) qui a tout d’une grenade auditive ? Étroitement coincé entre deux groupes de Metal sympho dans le roster de Nuclear Blast, Nails accouche ici d’un successeur parfait à You’ll Never Be One Of Us qui, à l’époque, avait déjà une furieuse tendance à déchausser des chicots.

Hardcore ? Grind ? Peu importe l’étiquette, pourvu que le flacon puisse contenir suffisamment d’essence pour mettre le feu à tout ce qui se met dans votre chemin. Que ce soit pied au plancher (quasiment tout le temps, donc) ou dans les quelques rares passages plus lents de la galette (« Lacking The Ability To Process Empathy » et le lourd « No More Rivers To Cross » en clôture d’album), Every Bridge Burning est une leçon de violence, fidèle au son du groupe et lorgnant ici et là vers un Trap Them qu’on aurait gavé à la whey et au café (« Give Me The Painkiller » et « Made Up In Your Mind » qui n’auraient pas fait tache sur Darker Handcraft).

Every Bridge Burning ne décrochera pas le titre d’album de l’année. Trop court, pas vraiment raffiné, il se classera plutôt dans l’étagère des « défouloirs sonores », rangé derrière une vitre à briser en cas d’urgence et de besoin impérieux de cracher sa bile à la face d’un monde qui vous marche sur les kiwis.

9/10

Facebook officiel

(Nuclear Blast Entertainment – 2024)

Tracklist (17:47) 1. Imposing Will 2. Punishment Map 3. Every Bridge Burning 4. Give Me the Painkiller 5. Lacking the Ability to Process Empathy 6. Trapped 7. Made Up in Your Mind 8. Dehumanized 9. I Can’t Turn It Off 10. No More Rivers to Cross

Vitriol – Suffer & Become

Que de chemin parcouru par Vitriol depuis la sortie de leur EP Pain Will Define Their Death sorti sur une base indépendante il y a (déjà !) 7 ans… Déjà à l’époque, le combo de Portland dévoilait un potentiel fou, mixant allègrement les influences de Hate Eternal, Krisiun, Behemoth et autres pour servir un premier avant-goût de leur violence sonore… Puis vint la signature chez Century Media, un premier album plus que recommandable et, cette année, l’album de la confirmation.

Le secret de l’efficacité de Suffer & Become ? l’Intensité avec un grand I. Mis à part quelques brefs instants plus mélodiques, Vitriol s’abat dans un feu nourri de blast et de riffs sur l’auditeur. Certains diront qu’« il se passe énormément de choses dans cet album pour dissimuler le fait qu’il ne s’y passe rien » et, dans un certain sens, je les comprends. Parce qu’aucun morceau, aucun moment ne sort vraiment du lot, si bien qu’il est presque difficile de se raccrocher aux branches. Face à cette déferlante, certains se sentiront dépassés comme à l’écoute d’un album de Hate Eternal, par exemple.

Et pourtant, contrairement à, disons, Archspire, Suffer & Become garde une touche plus organique, moins clinique que tous ces groupes aseptisés au possible. Le terrain de jeu de Vitriol n’est pas un laboratoire, mais plutôt un abattoir. Suffer & Become, l’album de Death de l’année ? Il sera à mes yeux en tout cas très difficile de détrôner Vitriol cette année : la brutalité est au rendez-vous tout en gardant une approche technique qui évite de verser dans le gros son brouillon cher à certaines formations brutales. Frontal tout en étant subtil (l’écoute au casque permet de mieux s’immerger dans l’album), il ravira tous les amateurs du genre.

9/10

Facebook officiel

(Century Media Records – 2024)
Tracklist (47:20) 1. Shame and Its Afterbirth 2. The Flowers of Sadism 3. Nursing from the Mother Wound 4. The Isolating Lie of Learning Another 5. Survival’s Careening Inertia 6. Weaponized Loss 7. Flood of Predation 8. Locked in Thine Frothing Wisdom 9. I Am Every Enemy 10. He Will Fight Savagely

Couch Slut- You Could Do It Tonight

Avec le temps et la quantité astronomique de sorties chaque année, on pense parfois avoir fait le tour de la question. C’est moche, non ? Se dire que plus rien ni personne ne parviendra à vraiment nous surprendre, à nous prendre à contrepied, à nous faire vaciller. On a tout vu, tout entendu, les sens sont presque émoussés, le rythme cardiaque peine à s’élever, si ce n’est pour quelques groupes fétiches où l’engouement tient plus du réflexe pavlovien que d’autre chose. Et puis, au détour d’une discussion / d’une recommandation sur Facebook / d’une annonce de tournée avec des premières parties inconnues au bataillon, la surprise nous saisit. Enfin quelque chose qui remue les tripes, qui interpelle, qui donne envie de creuser encore plus pour tirer au clair la source de ces émotions. Cette sensation, je l’ai ressentie en découvrant cette nouvelle plaque brûlante de Couch Slut.

Au menu : de la haine, de la rancœur, du malaise… En termes d’émotions, Couch Slut joue sur le terrain du Black Metal, mais loin des thématiques abstraites du genre. Ici, la crasse est tirée de la vie réelle. Et c’est peut-être la raison pour laquelle You Could Do It Tonight frappe si fort : parce qu’il exsude la vraie vie et toute ses vicissitudes. Prenez « The Donkey » : 5 minutes qui semblent durer une éternité, ce son rugueux et, surtout, cette capacité à raconter une histoire en alternant spoken word et hurlements. Si je devais faire un parallèle ici avec un autre groupe, j’évoquerais spontanément les Frenchies de Cowards et leur « One Night In Any City ».

Loin du « vrai » Metal, le noise de Couch Slut prend par la gorge et/ou les couilles. Alors que des dizaines de groupes essaient d’impressionner les fans de sensations fortes à grands renforts de textes brutaux, Couch Slut semble livrer une autobiographie placée sous le signe de l’atrocité ordinaire de l’existence. Viscéral comme les Cumshots, abrasif comme le béton sur lequel on se rétame, You Could Do It Tonight est une giclée acide dans la marmite musicale. Il ne s’écoute pas, il se subit. Et c’est douloureusement bon.

9/10

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(Brutal Panda Records – 2024)
Tracklist (38:07) 1. Couch Slut Lewis 2. Ode To Jimbo 3. CENSORED 4. The Donkey 5. Presidential Welcome 6. Energy Crystals For Healing 7. Downhill Racer 8. Laughing And Crying 9. The Weaversville Home For Boys