Archive for the ‘ Chroniques ’ Category

Wintersun – Time II

Dire que la perspective de la sortie de cet album créait une immense excitation chez votre serviteur relève du doux euphémisme. Tout était en place pour nous donner un pied monstrueux, douze ans d’attente, un premier opus qui reste année après année au sommet de mon panthéon personnel (chronique ICI), un disque intermédiaire d’excellent niveau (chronique ICI), tous les feux affichaient un beau vert. Jari Mäenpää, leader du groupe, précisait dans toutes les interviews que les compositions avaient été bouclées au sein du même tourbillon créatif que le volume I mais qu’il attendait de trouver le bon son, la bonne production afin de donner le plein potentiel à ces compositions.

Alors joie et félicité ? Et bien non, malheureusement. Time II reste un album solide, avec de bons moments mais l’apothéose n’aura pas lieu. Nous sommes ici deux crans en dessous de premier opus et même un cran en dessous du précédent, The Forest Seasons. L’impression générale reste décevante et la chute est d’autant plus douloureuse après une si longue attente. Difficile de ne pas avoir le sentiment que Mäenpää contemplait ces dix chansons en 2011/12 et a mis les meilleures dans le volume I. Les autres ne déméritent pas mais ne parviennent à créer le même enthousiasme.

Et pourtant tout commençait bien avec un « Fields Of Snow », ouverture instrumentale très réussie, une ambiance musicale venue d’Asie dans la continuité de « When Time Fades Away » du Time I. Les choses sérieuses débutent pied au plancher avec un « The Way Of The Fire » rapide, tranchant et accrocheur. Le moral est au beau fixe, on se dit que les quarante minutes à venir vont être enchanteresses et que les finlandais n’ont rien perdus de leur magie. Mais plus le disque avance plus le banal domine. « One with the Shadows » s’avère agréable sans plus et « Ominous Clouds » possède toutes les caractéristiques de l’interlude instrumental inutile.

Enfin, les deux gros morceaux, « Storm » et « Silver Leaves » ne provoquent que peu d’émotion. C’est bien fait mais sans âme et surtout sans la patte virevoltante de WINTERSUN. Mäenpää semble en pilote automatique, cela joue vite mais aucune mélodie n’imprime vraiment le cerveau, aussitôt écoutée, aussitôt oubliée. Ou sont les mélodies imparables, les chœurs puissants et cette envie irrésistible de relancer l’écoute du disque ? Une semaine après sa sortie, l’auditeur est déjà lassé. Time II déploie des merveilles pendant quinze minutes puis abandonne toute ambition. Cela fait peu, surtout face à notre niveau d’excitation originelle.

Le fond déçoit, contrairement à la forme. Le son est clair et puissant, rien à redire du côté de la production. Cependant difficile de savoir pourquoi cela a nécessité 12 ans d’attente. La pochette est réussie, œuvre de Cameron Gray, tandis que le livret a été conçu par l’artiste hongrois Gyula Havancsák. Dommage que l’album ne sorte qu’au format cristal pour le cd (hors éditions vinyles), pas de cd bonus, pas de coffret, cela fait un peu chiche. A force de tergiverser ou de faire des choix discutables au niveau de l’image et du business, on peut légitimement se demander si WINTERSUN n’a pas tapé sur le système de son label Nuclear Blast.

De quoi sera fait l’avenir des finlandais ? Bien malin serait celui qui oserait faire des prédictions. La balle est, comme toujours, dans le camp de Mäenpää, espérons qu’il ne mette pas à nouveau cinq ans pour proposer de nouvelles compositions. D’autant que les autres membres de l’attendent pas et s’avèrent être déjà bien occupés avec Kai Hahto & Jukka Koskinen chez NIGHTWISH ou encore Teemu Mäntysaari chez MEGADETH. Pas sûr qu’ils patientent encore très longtemps ans de se désintéresser le l’aventure WINTERSUN. Croisons les doigts pour que la muse créatrice se penche rapidement à nouveau sur le berceau du groupe. Il serait triste et dommage de terminer sur cette note tout juste honorable.

 

Oshyrya (6,5/10)
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Nuclear Blast / 2024
Tracklist (48:40 mn) 01. Fields Of Snow 02. The Way Of The Fire 03. One With The Shadows 04. Ominous Clouds 05. Storm 06. Silver Leaves

 

 

Vitriol – Suffer & Become

Que de chemin parcouru par Vitriol depuis la sortie de leur EP Pain Will Define Their Death sorti sur une base indépendante il y a (déjà !) 7 ans… Déjà à l’époque, le combo de Portland dévoilait un potentiel fou, mixant allègrement les influences de Hate Eternal, Krisiun, Behemoth et autres pour servir un premier avant-goût de leur violence sonore… Puis vint la signature chez Century Media, un premier album plus que recommandable et, cette année, l’album de la confirmation.

Le secret de l’efficacité de Suffer & Become ? l’Intensité avec un grand I. Mis à part quelques brefs instants plus mélodiques, Vitriol s’abat dans un feu nourri de blast et de riffs sur l’auditeur. Certains diront qu’« il se passe énormément de choses dans cet album pour dissimuler le fait qu’il ne s’y passe rien » et, dans un certain sens, je les comprends. Parce qu’aucun morceau, aucun moment ne sort vraiment du lot, si bien qu’il est presque difficile de se raccrocher aux branches. Face à cette déferlante, certains se sentiront dépassés comme à l’écoute d’un album de Hate Eternal, par exemple.

Et pourtant, contrairement à, disons, Archspire, Suffer & Become garde une touche plus organique, moins clinique que tous ces groupes aseptisés au possible. Le terrain de jeu de Vitriol n’est pas un laboratoire, mais plutôt un abattoir. Suffer & Become, l’album de Death de l’année ? Il sera à mes yeux en tout cas très difficile de détrôner Vitriol cette année : la brutalité est au rendez-vous tout en gardant une approche technique qui évite de verser dans le gros son brouillon cher à certaines formations brutales. Frontal tout en étant subtil (l’écoute au casque permet de mieux s’immerger dans l’album), il ravira tous les amateurs du genre.

9/10

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(Century Media Records – 2024)
Tracklist (47:20) 1. Shame and Its Afterbirth 2. The Flowers of Sadism 3. Nursing from the Mother Wound 4. The Isolating Lie of Learning Another 5. Survival’s Careening Inertia 6. Weaponized Loss 7. Flood of Predation 8. Locked in Thine Frothing Wisdom 9. I Am Every Enemy 10. He Will Fight Savagely

Couch Slut- You Could Do It Tonight

Avec le temps et la quantité astronomique de sorties chaque année, on pense parfois avoir fait le tour de la question. C’est moche, non ? Se dire que plus rien ni personne ne parviendra à vraiment nous surprendre, à nous prendre à contrepied, à nous faire vaciller. On a tout vu, tout entendu, les sens sont presque émoussés, le rythme cardiaque peine à s’élever, si ce n’est pour quelques groupes fétiches où l’engouement tient plus du réflexe pavlovien que d’autre chose. Et puis, au détour d’une discussion / d’une recommandation sur Facebook / d’une annonce de tournée avec des premières parties inconnues au bataillon, la surprise nous saisit. Enfin quelque chose qui remue les tripes, qui interpelle, qui donne envie de creuser encore plus pour tirer au clair la source de ces émotions. Cette sensation, je l’ai ressentie en découvrant cette nouvelle plaque brûlante de Couch Slut.

Au menu : de la haine, de la rancœur, du malaise… En termes d’émotions, Couch Slut joue sur le terrain du Black Metal, mais loin des thématiques abstraites du genre. Ici, la crasse est tirée de la vie réelle. Et c’est peut-être la raison pour laquelle You Could Do It Tonight frappe si fort : parce qu’il exsude la vraie vie et toute ses vicissitudes. Prenez « The Donkey » : 5 minutes qui semblent durer une éternité, ce son rugueux et, surtout, cette capacité à raconter une histoire en alternant spoken word et hurlements. Si je devais faire un parallèle ici avec un autre groupe, j’évoquerais spontanément les Frenchies de Cowards et leur « One Night In Any City ».

Loin du « vrai » Metal, le noise de Couch Slut prend par la gorge et/ou les couilles. Alors que des dizaines de groupes essaient d’impressionner les fans de sensations fortes à grands renforts de textes brutaux, Couch Slut semble livrer une autobiographie placée sous le signe de l’atrocité ordinaire de l’existence. Viscéral comme les Cumshots, abrasif comme le béton sur lequel on se rétame, You Could Do It Tonight est une giclée acide dans la marmite musicale. Il ne s’écoute pas, il se subit. Et c’est douloureusement bon.

9/10

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(Brutal Panda Records – 2024)
Tracklist (38:07) 1. Couch Slut Lewis 2. Ode To Jimbo 3. CENSORED 4. The Donkey 5. Presidential Welcome 6. Energy Crystals For Healing 7. Downhill Racer 8. Laughing And Crying 9. The Weaversville Home For Boys