30 ans, et encore vivant. Le groupe de Bradford respire encore, avec à son bord deux rescapés du line up original, le vocaliste Aaron Stainthorpe et le guitariste Andrew Craighan. Andrew a eu la lourde tâche de composer l’ensemble de ce quatorzième chapitre. Rien d’insurmontable dans la mesure ou le musicien s’était retrouvé dans la même situation pour l’album Feel The Misery. Mais si la situation est similiaire, le registre est différent. Le maître mot de cet opus qui consacre la survie miraculeuse du groupe, c’est de rendre la musique de My Dying Bride accessible.
Le contexte difficile que le groupe traversait aurait pu se solder par un enterrement pur au simple au lieu d’un nouvel album. Dans un contexte ou Aaron Stainthorpe n’avait guère l’envie de se consacrer à la musique alors que sa fille était atteinte d’un cancer en 2017, et que deux membres du groupe ont quitté le navire. Le guitariste et membre fondateur du combo Calvin Robertshaw n’aura pas fait long feu. Revenu pour remplacer Hamish Glencross viré en 2014, il ne sera resté que quatre ans. Le groupe fait appel à un local de l’étape, Neil Blanchett. Au poste de batteur Shaun Taylor-Steels est également parti, remplacé par Jeff Singer, batteur de Kill II This (entre autres).
Accessible, mais à quel prix ? Le nouvel album démarre sur un riff de guitare accompagné de violon, le fan moutonnier se verra emmené avec un poil de torpeur en terrain connu, mais passé cette grosse ficelle, il y a le chant clair et trafiqué d’Aaron (une couche d’Aaron passe encore mais trois pour faire un chœur… c’estindigeste), on aime ou on déteste les pleurnicheries.. elle sont heureusement contrebalancées par quelques vocalises hurlées. “Your Broken Shore” passe tout juste le contrôle technique. Plus accessible, moins malsain, ce doom metal allégé m’a bougé un poil sans secouer les autres, tout en reconnaissant que le son concocté par le producteur Mike Minett (chanteur de Kill II This) dans son studio de Manchester, est au poil et très propre sur lui. Peut être même un peu trop pour du Doom Metal. “To Outlive The Gods” fait illusion avec ses passages au violon, mais le chant laisse à désirer. “Tired of Tears” ? Elle n’imprime pas, tout au plus le solo de guitare un poil trop guilleret. On retient plus volontiers “The Solace” avec la chanteuse de Wardruna Lindy-Fay Hella. S’il ne fallait en garder qu’un ce serait bien ce titre, tout en harmonie. “The Long Black Land ” ? Électroencéphalogramme plat, aucun souvenir. Le titre instrumental éponyme rappelle que le chant d’Aaron fait partie du problème, las, c’est l’un des plus court de l’album. ” The Old Earth ” et ses riffs lourds et son chant hurlé nous rappellent de quoi pouvait être capable le groupe du Yorkshire, la batterie claque mais le son trop clinique et le chant clair plombent le tout. Les chants éthérés, clavier et violoncelle en guise de conclusion laisseront plus de regrets qu’autre chose. Une preuve de vie sans doute, une belle pochette d’album, mais un contenu qui laisse à désirer. Le doom metal erre dans cet album comme un fantôme.
Hamster (05/10)
Nuclear Blast 2020 Tracklist (56 Minutes) 01. Your Broken Shore 02. To Outlive The Gods 03. Tired Of Tears 04. The Solace 05. The Long Black Land 06. The Ghost Of Orion 07. The Old Earth 08. Your Woven Shore.
En matière de black-metal 3.0, Regarde les hommes tomber est un groupe phare. Découverts avec The Great Old Ones dans les années 2010 par le label underground Les acteurs de l’ombre, les Nantais n’ont jamais cessé de briller. Après deux albums devenus des pierres angulaires du genre et des concerts de haute tenue, RLHT est désormais incontournable. Au point que Season Of Mist se décide à les ajouter à son catalogue. Une alliance prometteuse qui nous amène à ce nouvel album, Ascension.
Le cap du troisième album est un moment particulier dans la vie d’un groupe. Il confirme que les deux précédents n’étaient pas le fruit du hasard. Plus important encore : il installe et fait durer dans le temps. Ascension est un album qui mérite beaucoup d’attention. Il se révèle au fil des écoutes. Les morceaux sont longs, profonds, intenses ; ils interpellent l’auditeur.
Regarde les hommes tomber a passé un cap. En terme de compositions, ces pièces musicales sont modernes, complexes mais se réfèrent toujours aux basiques du black-metal. Il suffit d’écouter « Stellar Cross » pour comprendre que c’est un classique immédiat et qu’il synthétise tout ce que peut être le quintet : un groupe qui regarde vers l’avant et ne se pose aucune limite. A l’image du titre précité, « A new order », « The renegade son » et « The crowning » sont tout aussi solides. L’affaire se conclue avec un « Au bord du gouffre ». Dantesque. Ascension doit probablement clôturer un cycle. Si c’est le cas, il le fait avec brio.
Ici, pas de divergences à la Deafheaven, pas de rétro-pédalage à la Mayhem, Regarde les hommes tomber incarne tout simplement le black-metal d’aujourd’hui.
Heilung est un OVNI musical. Folk tordu ? Délire païen influencé par Dead Can Dance ? Impossible de poser un adjectif précis sur cette musique si particulière. Allez savoir pourquoi, Heilung fait partie de ces formations sollicitées par la communauté « metal ». D’où sa présence ici.
A l’instar de son premier album (Ofnir), Futha est une expérience auditive intense. Un ensemble. Un tout. Une histoire qu’on nous raconte. De « Galgaldr », et ses vocalises qu’Attila Csihar n’aurait pas reniées, à « Hamrer hippyer », il est difficile de décrocher. Le groupe nous agrippe. Les rythmes tribaux sont un appel à la transe (« Traust ») ; l’orchestration est bluffante (« Norupo ») ; les voix de Maria Franz, Christopher Juul et Kai Uwe Faust s’entremêlent pour nous proposer un mélange inédit de tessitures vocales.
Minutieux, Heilung prend son temps. C’est réussi. Les morceaux sont longs, et imposent diverses ambiances envoûtantes. Le groupe expérimente aussi ; comme par exemple ce groove hypnotique (« Othan ») qui remporte tous les suffrages.
Incroyable melting-pot mêlant musiques de tous horizons, Futha est une franche réussite. A même de réunir dans son escarcelle les fans de musique liturgique et médiévale, les nostalgiques du label 4ad, les amateurs de world-music et, plus surprenant, les fans de gros death-metal qui tache. C’est la grande force de Heilung.