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Michael Bolton – The Hunger

Après l’échec cuisant de Everybody’s Crazy (1985), on pouvait s’attendre à ce que Columbia – une major pas vraiment altruiste – débarque Michael Bolton aussi vite que possible. Mais les labels n’étaient pas alors que ce qu’ils sont et Columbia redonna une chance à Bolton tout en lui garantissant des moyens d’accoucher d’un disque qui serait autre chose qu’une simple fin de contrat. Bien leur en prit.

Car The Hunger, sorti en 1987, correspond dans la carrière de Bolton à un double tournant. Tournant en terme strictement musical tout d’abord, puisqu’on y voit Bolton abandonner le Hard FM fougueux de ses deux disques précédents au profit d’une musique plus typiquement AOR, très calibrée radio. Tournant commercial aussi, car, après les deux échecs significatifs de ses derniers albums, Michael Bolton y décrochait pour la première fois de vrais succès radio ; le disque sera rapidement certifié or puis platine.

À l’écoute de la production, très léchée et polie, d’un certain nombre de titres bien plus lents que ce à quoi le chanteur nous avait habitué (« Sittin’ On the Dock of the Bay », « Tha’ts What Love is All About » et le titre final de Diane Warren « Walk Away ») ou des cuivres à la Toto (sur le néanmoins excellent « Wait On Love »), on saisit bien vite le réajustement musical auquel procédait Bolton ici. Il s’agit cependant bien plus d’un constat que d’une critique : le son est excellent (le claviériste de Journey, Jonathan Cain était aux manettes et à la composition sur certains morceaux), les titres plus abordables gorgés de feeling (la reprise d’Ottis Redding, « (Sittin’ On) The Dock of The Bay », fournit un cadre merveilleux pour les épanchements soul de la voix de Bolton) et le sens de la mélodie, de l’accroche musicale de l’auditeur sont imparablable (les superbes « Hot Love », « Gina » ou le plus épique « The Hunger »).

En outre, les interventions impromptues de Neal Schon de Journey sur certaines chansons bousculent ce schéma par trop ordonné, comme l’écoute de son solo incandescent sur « You’re All I Need » qu’il avait co-composé en témoignera. Dans un registre clairement différent de ses réalisations antérieures, Bolton réussissait un disque au-dessus de toute critique. Le succès des deux ballades comme hits paradant finalement dans les charts US correspondit donc bien à la reconnaissance d’un travail et d’une obstination dignes d’admiration.

Malheureusement pour les amateurs du Bolton des années 80′, cet accueil enthousiaste à la facette la plus apaisée de son talent incita le chanteur à changer sensiblement d’optique musicale, son inspiration rock initiale se diluant très sensiblement dans un océan musical très sage sur le successeur Soul Provider. Le succès colossal du disque accentua ce glissement de telle manière qu’aujourd’hui, pour tout un chacun, le nom de Bolton n’évoque plus que des roucoulades insipides avant tout destinées aux ménagères en mal de frissons romantiques. Pourtant le bilan du triptyque de Bolton avant Soul Provider est assez remarquable : si Michael Bolton et Everybody’s Crazy sont parmi les meilleurs disques de Hard FM enregistrés aux côté de 4 de Foreigner ou du premier Bon Jovi, The Hunger est incontestablement un des tous meilleurs disques d’AOR parus, à loger aux côtés de The Seventh One de Toto ou de Escape de Journey. C’est dire !

Baptiste (9/10)

 

Columbia / 1987

Tracklist (37:21) : 1. Hot Love 2. Wait On Love 3. (Sittin’ On) The Dock Of The Bay 4.  Gina 5. That’s What Love Is All About 6. The Hunger 7. You’re All That I Need 8. Take A Look At My Face 9. Walk Away

Après les résultats globalement moyens de son premier essai, eut égard aux attentes qu'il pouvait légitiment concevoir lors de sa sortie, Michael Bolton reconduisit aussitôt ses efforts pour enregistrer en 1985 ce Everybody's Crazy d'anthologie.

Toujours appuyé par Mark Mangold sur certains titres marquants mais ayant aussi fait appel au songwriter renommé Randy Goodrum (co-auteur de titres de Toto par exemple) et à Bruce Kulick pour les guitares lead, Michael Bolton conserva ici la plupart des ingrédients de son premier disque : chœurs aériens, claviers entêtants, compositions d'emblée orientées hard minorant les ballades. Une touche un peu plus AOR était cependant présente avec quelques titres qui auguraient l'étape ultérieure de The Hunger (le poignant « Desperate Heart » et son refrain si vibrant) mais la fougue et l'énergie restaient abondantes, comme en témoigne l'impressionnant « Save Our Love », un titre en ouverture de disque doté de qualités musicales égalant presque le fameux « Fools Game » sur le premier opus. Puis arrive le titre éponyme qui se détache un peu du reste du disque par une inclinaison heavy rock que n'aurait pas renié un Kiss de la période Lick It Up, au détriment des nuances vraiment FM. N'importe : Bolton excellait aussi dans ce contexte et il semble rétrospectivement inconcevable que ce titre promu en vidéo n'ait pu devenir l'hymne des stades auquel tout le destinait.

L'enchaînement des titres successifs maintient ce niveau d'excellence, malgré la variété des registres : de la ballade « Call My Name » aux vocalises vibrantes et au solo de saxophone si intelligemment développé sur une plage temporelle généreuse, au plus pop « Desperate Heart » en passant par les titres FM classiques « Everytime » ou « Don't Tell Me it's Over ». Ainsi la linéarité un peu présente sur le premier disque se révèle nécessairement absente, dégageant les contours d'un Hard mélodique quasiment archétypal tant ici le classicisme du propos se sublime par une inspiration, une finesse de composition, un investissement humain et musical total. Malgré la présence de quelques titres légèrement plus faibles que d'autres (« Can't Turn It Off » ou « You Don't Want Me Bad Enough »), cet album reste un des grands classiques du genre.

Michael Bolton avait mis beaucoup d'espoirs dans ce disque presque parfait et le flop aussi incompréhensible que retentissant subi alors le pousse encore à ce jour à occulter ce petit chef-d'œuvre. Plus prosaïquement, il exécuta un premier tournant en préparant un disque plus clairement rock FM que hard rock : le malgré tout aussi excellent The Hunger qui, lui, instaura vraiment un tournant.

Baptiste [8,5/10]

PS : l'excellent label Rock Candy propose une version remasterisée de l'album qui modernise sérieusement le son et lui fait donc un bien fou. Elle est à recommander et ce d'autant plus que le livret intérieur – qui malheureusement ne contient plus les paroles – propose une rétrospective intelligente du contexte d'écriture et des espoirs placés dans ce disque. Son échec et ses ventes désastreuses sont bien présentés sans qu'on ait une explication du pourquoi du comment de ce flop. 

 

Columbia / 1985

Tracklist (37:19) : 1. Save Our Love 2. Everybody's Crazy 3. Can't Turn It Off 4. Call My Name 5. Everytime 6. Desperate Heart 7. Start Breaking My Heart 8. You Don't Want Me Bad Enough 9. Don't Tell Me It's Over

Michael Bolton – S/t

Sujet sensible que d'évoquer Michael Bolton dans des pages consacrées au heavy metal ou au hard rock. On veillera ici à écarter toute rancœur, regret ou sarcasme et à envisager le premier disque de Michael Bolotin enregistré sous le nom d'emprunt de Michael Bolton en tentant de faire abstraction du parcours du chanteur depuis Soul Provider (1989). Car la pochette ci-contre en témoigne : Bolton n'a pas toujours été un chanteur de variété américaine pour ménagères désœuvrées et délaissées. En 1983, avec cet album éponyme, Michael Bolton, au sortir de son expérience dans le groupe hard rock Blackjack aux côtés de Bruce Kullick, entamait un tournant musical qui se concrétisa par une réalisation essentielle du Hard FM. Appuyé par Mark Mangold à la composition et faisant appel à quelques pointures du genre (Aldo Nova ou le vieux comparse Bruce Kullick), Bolton avait jeté dans la balance tous les ingrédients pour réaliser un opus marquant.

Sans doute le plus heavy des trois albums AOR de Bolton, ce premier disque est aussi logiquement le plus fougueux, les guitares se faisant agressives et heavy, soutenues par des refrains punchy (« Fight for my Live »), sublimés par la voix déjà remarquable de Bolton. Chantant dans un registre moins soul que de coutume, Bolton s'avère parfait dans un cadre rock hard, soignant tout particulièrement des refrains aux chœurs somptueux, virils, puissants et mélodiques à la fois (le superbe « Hometown Hero » ou « Can't Hold On, Can't Let Go »). L'homme n'a pas rechigné même à empoigner la guitare pour quelques soli fins et travaillés (sur « Fools Game »). 

Il en ressort un disque de très haute volée, ouvert par un des tous meilleurs titres d'AOR jamais composés, le célébrissime « Fools Game » aux notes de clavier irrésistibles et à la perfection difficilement contestable, et clos par une ballade puissamment émotionnelle, « I Almost Believed You ». Un disque aussi traversé de gemmes scintillantes, aux éclats uniques : « She Did The Same Thing », « Hometown Hero », « Carrie ».

Imprégné d'émotion, de la personnalité et des espoirs de Bolton lors de son enregistrement, ce premier album devint très vite un incontournable, récompensé par un disque d'or tardif, mais qui laissa cependant Bolton insatisfait. Son disque suivant Everybody's Crazy se donnait pour objectif de porter la barre musicale à un niveau encore plus élevé. L'objectif pouvait sembler difficilement réalisable, et pourtant Bolton ne fut pas loin de réussir ce tour de force. 

Baptiste (9/10)

 

CBS / 1983

Tracklist : 1. Fools Game 2. She Did The Same Thing 3. Hometown Hero 4. Can't Hold On, Can't Let Go 5. Fighting for My Life 6. Paradise 7. Back In My Arms Again 8. Carrie 9. I Almost Believed In You