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Helloween – Live In The U.K.

Voici un live aussi bon que frustrant. « Bon » car il saisit Helloween au faîte de sa gloire et de son talent, lors de la tournée triomphale de l'essentiel Keeper Of The Seven Keys Part II, avec le line up « historique » du groupe (Kai Hansen, Michael Kiske, Michael Weikath, Markus Grosskopf, Ingo Schwichtenberg). Même si le départ d'un Kai Hansen lassé des tournées trop longues et des conflits d'ego avec Michael Kiske et Michael Weikath était annoncé, le groupe joue pour le mieux et l'interprétation ne se ressent pas du tout des tensions au sein d'Helloween. Les mines hilares et combatives des musiciens sur la couverture ne sont donc pas entièrement factices. 

Evidemment plus heavy que sur Keeper Of The Seven Keys Part II, les interprétations proposées sont simplement excellentes. Elles permettent de redécouvrir des titres tels « Rise And Fall », « Dr Stein » ou « We Got The Right » qui souffraient d'une production trop clinique. L'inclusion de nombreux passages nouveaux, tels le break rallongé de « Future World » – parfait pour faire chanter le public – amène en outre une autre dose de fraîcheur. Le clou est sans doute la prestation exceptionnelle de Kiske. Son chant absolument impeccable sur un « I Want Out » ou sur « We Got Right » est à apprécier d'autant plus que le live a été enregistré à partir d'un seul concert en Écosse et non d'une pléiade de dates. Une mention doit être faite pour la nouvelle version de « How Many Tears » : le chant de Kiske est certes différent de Hansen mais passe très bien la rampe. On sent que le chanteur n'est nullement en pilotage automatique comme sur d'autres titres de Walls Of Jericho chantés notamment sur la tournée précédent.

Nous en venons ainsi la question de la setlist et c'est là que la frustration éclate. Live de fin de contrat avec Noise, ce Live In The UK n'est qu'un simple aperçu de ce qu'étaient les concerts du groupe à l'époque puisqu'il manque une bonne moitié des titres interprétés sur cette tournée. Le choix de ne faire paraître qu'un CD simple (même pas rempli à ras bord d'ailleurs) a poussé Noise à écarter (accrochez-vous bien) : « I'm Alive », « Eagle Fly Free », « March Of Time », « Halloween », « Keeper Of The Seven Keys » et j'en passe. Des titres totalement incontournables et dont la portée clairement épique pour certains était un élément décisif de l'identité du groupe. De telle sorte que les sept chansons présentées ici ne sont qu'un échantillon totalement artificiel, extrait d'un ensemble qui, tel quel, aurait constitué un live historique, à la hauteur d'un Live After Death ou d'un Unleashed In The East. Un échantillon d'ailleurs mal effectué, puisque certains titres sont quand même mineurs dans la discographie du groupe et qu'on aurait largement pu les remplacer par d'autres plus essentiels. Pourquoi avoir troqué un « Rise And Fall » au détriment « March Of Time », je me demande ? Il y a quelques années, Sanctuary avait annoncé la parution d'une édition complète en deux CDs, mais tels la sœur Anne, à l'horizon nous ne voyons toujours rien venir.

Au final, il faut encore rappeler que les démélés avec les labels auront joué un rôle non négligeable dans la chute brutale que connût le groupe aussitôt après la parution de Live In The UK. Ce live souffre donc avant tout des considérations mercantiles qui ont présidé à sa sortie. C'est bien là son unique, mais énorme, défaut.

Baptiste (7,5/10)

 

Noise / 1989

Tracklist (47:22) : 1. Little Time 2. Dr. Stein 3. Future World 4. Rise and Fall 5. We Got the Right 6. I Want Out 7. How Many Tears

Si Keeper Of The Seven Keys Part I est assurément le chef d'œuvre de Helloween, sa suite, Keeper Of The Seven Keys Part II, correspond à son pic de popularité et à son plus grand succès commercial. Grâce notamment à deux singies imparables, « Dr Stein » et « I Want Out », le  disque se vendit à plus d'1 700 000 exemplaires et donna lieu à une tournée triomphale dont le point d'orgue fut une apparition aux Monsters of Rock de Donington. Beaucoup prédisaient alors à Helloween la stature d'un Iron Maiden ou d'un Judas Priest. Bien mal leur en a pris car l'on sait que la Roche tarpéienne est toujours proche du Capitole : à la fin de cette tournée Kai Hansen quitta le groupe et Helloween fut fauché en pleine gloire, le groupe connaissant un déclin brutal dont il ne s'est jamais vraiment totalement remis. Quoiqu'il en soit Keeper Of The Seven Keys Part II reste l'album préféré des fans et la plupart de ses chansons des classiques des concerts. 

Le chef d'œuvre de Michael Weikath

Outre être l'album le plus vendu et le plus vendeur de Helloween, Keeper Of The Seven Keys Part II est aussi l'album de l'effacement de Kai Hansen qui ne signe que deux titres ici (trois si on inclut le bonus track présent systématiquement sur tous les pressages CD, « Save Us »). C'est son comparse et semi-rival, Michael Weikath qui se taille la part du lion, intrégrant cinq titres de son cru. Et en tenant compte de la durée des compositions, on réalise encore mieux l'apport de Weikath puisque ce dernier a écrit les treize minutes de la monumentale « Keeper Of The Seven Keys », suite du fameux morceau « Halloween » et dernier épisode de la sage du Gardien des sept clés. En intégrant deux de ses compositions (« You Always Walk Alone » et le beau mi-tempo « We Got The Right »), Kiske commençait à occuper une place de plus en plus importante dans le processus créatif du groupe. Mais heureusement pour cette album, il n'est pas aux commandes. 

Si Keeper of The Seven Keys devait être un double album à l'origine, le refus du label et les défauts des compositions proposées par Weikath l'ont définitivement scindé en deux parties, voire en fait en deux disques. La première partie, plus courte et homogène, est avant tout l'œuvre de Kai Hansen, alors que ce Keeper Of The Seven Keys Part II comprend de manière dominante les chansons de Weikath qui n'étaient restées qu'à l'état de démo. De facto, les deux parties diffèrent sur de nombreux points. La partie II est nettement plus longue : avec 54 minutes de musique contre les 37 de la première partie, Helloween propose beaucoup plus de choses aux fans cette fois. La contre-partie en est que la qualité est moins systématique.

Quelques signes d'inconstance

Alors que de bout en bout, Keeper Of The Seven Keys Part I, ne connaissait aucun fléchissement, ici l'inspiration varie quelque peu. Voyez : après un brulôt de speed mélodique aussi majestueux que « Eagle Fly Free » au refrain légendaire, l'auditeur découvre une bonne composition de Michael Kiske, « You Always Walk Alone », mais déjà en deçà du titre précédent. Il tombera de haut sur le fort pénible « Rise And Fall » et son refrain tartignole, dans un style « happy metal » puéril. Et l'on pourrait continuer… « Dr Stein » dans un genre assez similaire mais mieux composé raccroche l'auditeur qui lui trouvera toutefois une certaine incohérence dans la structure, puisque à un refrain guilleret succède une embardée speed, certes de qualité, mais un peu incongrue. « We Got The Right » fait quelque peu retomber l'attention malgré les qualités du chant de Kiske qui éclate à l'oreille ici. La fin du disque est bien meilleure et l'on peut se poser la question du choix de placer le sublime « March Of Time » et le single catchy « I Want Out » en septième et en huitième place. L'album se clot en majesté sur le somptueux « Keeper Of The Seven Keys », qui démontre tout le savoir de composition de Weikath, dans une alternance de moments doux, de montées en puissance et de climax majestueux à l'image du refrain inoubliable. Il est difficile de comparer la qualité de cette pièce épique au « Halloween » du disque précédent car elle se montre au final assez différente. À mon avis le niveau d'excellence est quasiment le même. Le bon titre « Save Us » n'est lui qu'un bonus track d'ailleurs mal placé, tellement sa vigueur agressive digne du premier Keeper contraste avec ce qu'on a pu entendre plus tôt sur cette deuxième partie. 

Car on remarquera aussi qu'il y a moins de cohérence stylistique ici que sur les deux disques précédents d'Helloween : comment faire voisiner les bruits d'animaux qui clôturent « Rise And Fall » avec le message plus grave de « March Of Time » ou la tonalité épique de « Keeper Of The Seven Keys » ? Je m'interroge. On remarque toutefois que globalement cette deuxième partie de la saga du Gardien des sept clés est plus apaisée que la première, le speed énervé étant de plus en plus remplacé par une orientation plus strictement heavy « classique ». La production de la paire Hansen / Newton fait beaucoup pour cela : plus claire et maîtrisée que celle du disque précédent dont Newton et Hansen étaient déjà les auteurs, elle est aussi plus « clinique ». Par ailleurs, elle met beaucoup en valeur le chant de Kiske au détriment des guitares, un peu plus en retrait et manquant légèrement de tranchant. Si la voix fabuleuse d'un Kiske toujours aussi impérial en profite, cela nuit quand même à la puissance du tout. On sait par ailleurs que Weikath préfère de beaucoup la production de la première partie et qu'il a en conséquence remixé certains des titres de Keeper… part II pour la compilation Treasure Chest. L'écoute de ces remixes, certes brouillons mais plus puissants, donne une idée de la manière dont le disque aurait pu sonner si le groupe avait totalement contrôlé la production. 

Ces réserves ne doivent pas obérer l'essentiel toutefois : Keeper Of The Seven Keys Part II est certes légèrement imparfait mais de très haute tenue. Et si on tient compte de sa durée assez longue pour l'époque, on ne peut que qualifier ce disque de « majeur », largement du niveau d'un Seventh Son of A Seventh Son ou d'un Screaming For Vengeance de qui vous savez. C'est dire !

Baptiste (9/10)

 

Noise / 1988

Tracklist (54:50) : 1. Invitation (intro) 2. Eagle Fly Free 3. You Always Walk Alone 4. Rise And Fall 5. Dr Stein 6. We Got The Night 7. March Of Time 8. I Want Out 9. Keeper Of The Seven Keys 10. Save Us

S'il y a bien un chef d'œuvre dans la discographie d'Helloween et plus globalement dans la pléiade de disques de speed mélodique, le voilà assurément. Plus généralement, on peut dire que Keeper Of The Seven Keys Part I est du niveau des grands disques d'Iron Maiden et de Judas Priest. Son successeur, Keeper Of The Seven Keys Part II, reste aussi de haute volée mais affiche quelques titres faibles que ne contient pas la première partie. 

Pourtant, réussir un sans faute après un premier disque aussi prometteur que Walls Of Jericho, n'était pas si évident pour le groupe de Kai Hansen. Une première difficulté tenait à un bouleversement dans la composition du groupe. Car à la suite de l'enregistrement du single « Judas » et de nombreuses tournées, Hansen choisit d'abandonner le chant pour se consacrer entièrement à la guitare. Et il ne s'agissait pas de lui trouver un ersatz : à l'écoute du titre « Queen Of The Reich » de Queensrÿche, le groupe décida d'opter pour un chant beaucoup plus lyrique et mélodique. Deux pistes se dégageaient : celle de Ralf Scheepers que soutenait Kai Hansen et celle d'un tout jeune homme, âgé de 18 ans, Michael Kiske, qui avait les faveurs de Weikath. Ce fut finalement Kiske qui fut choisi, l'histoire racontant que Weikath dut déployer des trésors de conviction pour lui faire accepter de quitter son groupe de l'époque Ill Prophecy. Hansen n'oubliera pas pour autant Scheepers qu'il recontactera plus tard pour lancer Gamma Ray. 

Un choix de chanteur déterminant

Le choix de Kiske aura des conséquences à court et à long terme décisives pour le groupe. À long terme, l'ego du jeune chanteur accélèrera l'éclatement du groupe au tournant des années 90. Mais à court terme la voix formidable du chanteur blond va permettre de négocier un tournant musical qui fera de Helloween une des plus grandes figures du heavy européen. Même si Kiske ne chantera que quatre albums avec les citrouilles, sa voix extrêmement lyrique, à la fois puissante et mélodieuse, dotée d'une incroyable tessiture de quatre octaves, influencera toute une cohorte de chanteurs dans les années 90 (Tobbias Sammet, Andre Matos et j'en passe). Si certains lui reprocheront d'avoir dénaturé le groupe, Kiske et sa voix conservent énormément de fans qui ont évidemment frémi lorsqu'ils purent entendre son nouveau projet sérieux, Unisonic, après des années de semi-retraite.

La voix de Kiske tranche notamment sur un point : si elle est puissante et vigoureuse, elle n'est pas franchement agressive et se prête ainsi à des compositions plus mélodiques. Elle était donc parfaite pour donner une crédibilité à un tournant dans l'orientation musicale de Helloween. Le groupe décida d'abandonner une partie des éléments thrash que l'on pouvait trouver sur Walls Of Jericho pour peaufiner une musique assurément rapide et heavy, mais plus proche des horizons du Iron Maiden de Powerslave que du Metallica de Ride The Lightning

Kai Hansen totalement aux commandes

Une deuxième idée taraudait Hansen et les siens : proposer un double album, structuré autour de deux pièces musicales très longues et épiques, narrant un récit nimbé d'heroic fantasy. Ce seront les réticences de Noise, leur maison de disque, qui leur imposèrent de scinder en deux parties Keeper Of The Seven Keys. Au final, on peut juger que ce fut sans doute une bonne chose car les deux disques ont des spécificités propres qui, mélangées, auraient sans doute rendu l'ensemble un peu confus. 

Michael Weikath souffrant d'une dépression nerveuse qui l'empêcha de participer de manière significative à la composition au delà d'un seul titre, la très belle ballade « A Tale That Wasn't Right », c'est Kai Hansen qui prit en charge la composition de la première partie de Keeper of The Seven Keys. Il se chargera aussi de toutes les guitares rythmiques, tant Weikath était mal en point. Outre, la ballade sus-citée et un bon titre proposé par Michael Kiske, « A Little Time », démontrant des capacités de compositeur qu'on lui a trop souvent déniées, toutes les autres compositions sont signées par Kai Hansen. Et elles sont en elles-mêmes des classiques : du furieux « I'm Alive » en ouverture avec son refrain de folie et ses solos somptueux, en passant par le tube par excellence d'Helloween, « Future World » jusqu'au magistral « Halloween » qui clot (presque) l'album, Hansen marque de son empreinte totalement le disque.

Si réussir à insérer dans un album avant tout épique et lyrique, quelque chose d'aussi sautillant et gai que « Future World », sans déséquilibrer l'album tenait déjà de la gagueure, ce sont les treize minutes d'« Halloween » qui forcent mon admiration. Sur ce titre, nous sommes à la lisière du progressif, tant la construction en tiroir, les envolées techniques et lyriques, les embardées soudaines et nerveuses font de ce titre un chef d'œuvre du heavy. Si un clip en garantit la popularité, il faut lui préférer la version complète et non tronquée qui lui confère toute sa splendeur. L'histoire racontée commence lors d'une fête d'Halloween qui bascule dans le fantastique et le merveilleux, lorsque son personnage principal, ouvrant une porte mystérieuse, se voit proposer de devenir le « gardien des sept clés » et le sauveur de l'humanité. La fin de la quête du gardien trouvera sa conclusion (temporaire) sur l'opus suivant, lors du morceau éponyme, lui aussi doté de treize minutes.

Chant et production à l'unisson

Le deuxième homme fort de l'album est de manière inattendue Michael Kiske : voici un jeune homme de tout juste 19 ans propulsé au devant de la scène métallique, qui fait plus que jouer honnêtement son rôle sans trembler. Car Kiske imprègne de son talent tout le disque, se livrant à des acrobaties vocales étincelantes (écouter le refrain de « A Tale Wasn't Right » ou surtout celui de « Twilight Of The God »), mais aussi proposant des lignes vocales ensorcelantes et totalement fédératrices. Les refrains de « Future World » ou d'« Halloween » sont sur ce point exemplaires. Pour ne rien gâcher, Kiske se révèlera très à l'aise sur scène, dégageant un gros charisme. On comprend les conflits d'ego qui se déclareront par la suite. 

Le troisième homme est plutôt un binôme : Tommy Newton et Tommy Hansen à la production. Si Noise avait rechigné à sortir un double album trop risqué commercialement, le label germanique était conscient du potentiel d'Helloween. Avec de conséquents moyens, les deux Tommy aux manettes donnèrent au disque un son très bon pour l'époque : puissant, nerveux et clair. Le soutien du label s'étendit aussi au support lui même : les efforts de design parsemant de citrouilles marrantes le vinyl de l'époque, sont évidents. Les effets ne se firent pas attendre car Helloween vendit 100 000 copies de son disque en Allemagne en l'espace de huit semaines. 

Pour une fois, le succès commercial ne faisait que rendre justice à une démarche musicale exemplaire : novatrice, ambitieuse et fédératrice, la musique ce Keeper of the Seven Keys Part I allait changer la face du metal. Tout ce qu'ont pu écrire les Stratovarius, Angra ou Edguy dans les années 90 provient de là, tout simplement.

Baptiste (10/10)

 

Noise / 1987

Tracklist (37:08) : 1. Initiation (1:19) 2. I'm Alive (3:23) 3. A Little Time (4:00) 4. Twilight of the Gods (4:30) 5. A Tale That Wasn't Right (4:44) 6. Future World (4:03) 7. Halloween (13:20) 8. Follow the Sign (1:47)