C'était définitivement une autre époque. Whitesnake était alors un monstre du hard rock et non un groupe pour nostalgiques (ou connaisseurs si l'on préfère) vieillissants. À la suite des dix millions de disques vendus de 1987, David Coverdale avait goûté à un succès amplement mérité. Slip Of The Tongue, sorti en 1989, devait totalement enfoncer le clou en choisissant Adrian Vanderberg pour remplacer John Sykes aux guitares et à l'écriture des morceaux aux côtés de Coverdale. Vanderberg souffrant du poignet, ce fut finalement l'étoile montante de la guitare, Steve Vai, qui fut appelé à se charger de toutes les guitares.

Whitesnake made in USA

Accompagné de Tommy Aldridge à la batterie et de Rudy Sarzo, le groupe avait tout du combo de grandes stars et s'affichait très loin des premiers pas hard-bluesy de Whitesnake. L'inflexion « américaine » et commerciale était encore plus marquée que sur 1987 et l'on peut d'ailleurs s'étonner que les ventes fussent, cette fois, très inférieures à celles du disque précédent (1 million de disques vendus). La faute sans doute à la disparition de toute trace blues et boogie au profit d'une musique puissante, racée mais un peu trop lisse. Une tête d'affiche au fameux festival des Monsters of Rock devait couronner un tel édifice rutilant. 

C'est ce live, dont de nombreux bootlegs existaient depuis longtemps, que Frontiers publie aujourd'hui. Il s'agit donc d'un live retraçant un moment clé de la carrière du groupe, à savoir la période « américaine ». Pour quelque chose de plus représentatif de l'ensemble de la carrière de Whitesnake, il faut mieux s'orienter vers le Live… in the Shadow of The Blues ou le DVD, Live In The Still Of The Night, tous deux hautement recommandables. Ici on retrouvera principalement des titres de Slide It In1987 et Slip Of The Tongue et deux titres du disque solo de Steve Vai, Passion and Warfare, qu'il avait réussi à imposer à Coverdale en échange de ses services de mercenaire de la six-cordes.

Une mécanique bien huilée, trop bien huilée

Vingt ans plus tard, on constatera que ces morceaux n'avaient bien rien à faire dans un concert de Whitesnake et que l'on aurait préféré entendre franchement autre chose que « For The Love Of God » et l'insupportable « The Audience Is Listening » à l'humour complètement dépassé. Par ailleurs, je continue à penser que Vai et Vanderberg faisaient une mauvaise paire de guitaristes pour Whitesnake et il n'est pas surprenant que le tout n'ait pas tenu bien longtemps. Ainsi, si le groupe joue globalement bien il manque clairement de quelque chose qui pourrait transcender l'ensemble. Cette impression de « trop propre pour être honnête » avait déjà été perçue par les spectateurs de l'époque. Tout comme le caractère totalement artificiel du combo.

Il reste toutefois le plaisir d'entendre la voix de David Coverdale même s'il ne s'agit sans doute pas de sa meilleure prestation à ce jour. Et aussi celui d'entendre des compositions un peu oubliées car issues de Slip Of The Tongue comme le morceau-titre ou « Cheap 'n Nasty ». Dans tous les cas, ce live, malgré ses défauts, est un incontournable pour les amateurs du groupe. 

Baptiste (7,5/10)

PS : On jettera ici un voile pudique sur le DVD du concert : images affreuses dont les couleurs bavent, cadrage incertain, nombre très limité de caméras. Cet enregistrement sans doute pensé pour une quelconque émission (au hasard Headbanger's Balls ?) n'avait sans doute pas pour objectif d'être un jour commercialisé. Il est joint au CD sans doute pour contrecarrer les producteurs de DVD pirates.

 

Frontiers / 2011

Tracklist (103:39) : 

CD 1 : 01. Slip Of The Tongue 02. Slide It In 03. Judgement Day 04. Slow An Easy 05. Kitten's Got Claws 06. Adagio For Strato 07. Flying Dutchman Boogie 08. Is This Love 09. Cheap An' Nasty 10. Crying In The Rain (featuring Tommy Aldridge drum solo)

CD2 : 01. Fool For Your Loving 02. For The Love Of God (Steve Vai) 03. The Audience Is Listening (Steve Vai) 04. Here I Go Again 05. Bad Boys 06. Ain't No Love In The Heart Of The City 07. Still Of The Night