La fécondité d’Asia commencerait-elle à nuire à sa créativité ? C’est bien la question qui me vient à l’esprit au moment de faire la chronique de ce XXX. Après avoir enregistré coup sur coup un Phoenix satisfaisant et un Omega de très bonne facture, la machine à composer formée par le tandem John Wetton / Geoff Downes semble tourner à vide. Et ce malgré les bonnes intentions affichées : après trente ans d’une carrière bien chaotique, ce XXX prétend retrouver l’inspiration du premier album selon Steve Howe lui-même. Une écoute rapide puis des écoutes répétées balaieront tout espoir : il n’y a aucun « Soul Survivor », « Only Time Will Tell » ou « Heat Of The Moment » à l’horizon. À vrai dire aucun titre ne sera sans doute interprété après la la tournée de promotion du disque.

Monotonie à tous les étages

Rarement Asia fut aussi plat et peu inspiré. La monotonie du morceau d’ouverture « Tomorrow The World » donne un aperçu très net du contenu de l’album : un disque poussif, peu accrocheur et peu ambitieux au niveau des parties musicales, lorgnant vers une rock/pop peu stimulante. L’écoute du très médiocre single « Face On The Bridge » achèvera de se faire un avis : nos musiciens semblent complètement en roue libre, à l’image des parties rythmiques de Steve Howe, tout à fait indigentes et des lignes de chant ultra-téléphonées de John Wetton (que dire des refrains des « Tomorrow The World » ou de « No Religion » sinon que le père Wetton répète ad nauseam ce qu’il fait depuis des années).

Le plus contestable est constitué sans doute par les chœurs qui frôlent le risible (écouter notamment le refrain de « Face On The Bridge ») ; il est vrai que sur ce terrain ils font concurrence aux sons de claviers kitschissimes de Downes. Il n’y a bien que le toujours excellent Carl Palmer à faire honnêtement son office ici. Mais comme les structures de composition, malgré quelques durées de chanson un peu plus longues que les formats classiques, sont exemptes d’éléments progressifs et techniques, il n’a pas un cadre pour franchement briller.

Que sauver ? 

On sauvera bien quelques morceaux agréables comme l’élégant « Bury Me In Willow » ou – dans une moindre mesure – « Al Gatto Nero » voire peut-être « Faithful ». Cela reste bien peu. Au final, j’en viendrais presque à regretter le Asia de l’époque John Payne qui, lorsqu’il avait opté pour une musique plus calme, sur Arena ou Aura, avait toujours maintenu un bon standard de qualité malgré tout. Ici ce n’est pas la cas. Il ne reste bien à sauver, au delà de la poignée de titres sus-cités que la couverture de Roger Dean, effectivement très belle. Mais quand on en vient à trop disserter sur le contenant d’un disque, c’est que son contenu n’en vaut pas la peine. Voici selon moi, le plus gros faux pas d’une carrière certes erratique mais jusque ici globalement de qualité.

Baptiste (5,5/10)

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Frontiers / 2012

Tracklist (49:43) :  1. Tomorrow The World (6:47) 2. Bury Me In Willow (6:01) 3. No Religion (6:36) 4. Faithful (5:37) 5. I Know How You Feel (4:53) 6. Face On The Bridge (5:59) 7. Al Gatto Nero (4:36) 8. Judas (4:43) 9. Ghost Of A Chance (4:21)