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À moins d’avoir vécu dans une grotte au cours des 6 derniers mois, il est quasi impossible d’être passé à côté de la déferlante Knocked Loose. Nomination aux Grammy Awards, performance live avec Poppy chez Jimmy Kimmel : 2024 a été l’année de la consécration pour la bande à Bryan Garris. Et à l’écoute de ce troisième album sorti chez Pure Noise Records, je ne peux que reconnaître que cette consécration est méritée.

Bon, commençons par LE point « négatif » de l’album : le chant de Bryan. Si vous n’aimiez pas son ton qui vrille les tympans (j’ai lu quelque part « on dirait Mickey en crise d’adolescence »), cette nouvelle plaque ne va pas vous réconcilier avec le groupe. C’est toujours aussi agressif, toujours aussi vrillant, toujours aussi aigu (même s’il a prouvé sur scène, chez Jimmy Kimmel, qu’il est aussi capable de sortir un pig squeal particulièrement réussi). Perso, je trouve au contraire que ce timbre si particulier ajoute un petit je-ne-sais-quoi qui aide le groupe à sortir du lot.

Et au niveau des compos ? Le mot d’ordre est la lourdeur. Les riffs sont pesants ; les breaks, pachydermiques. On frise le Deathcore par moments et, ici et là, certains passages me rappellent même Fange (j’associe automatiquement le premier riff de « Suffocate » avec l’intro de « Tombé Pour La France »). Rares sont les groupes de Metalcore capables de pondre, en moins d’une demi-heure, un tel enchaînement sans véritable temps mort… si l’on fait abstraction de la doublette « Moss Covers All » – « Take Me Home » qui lève un peu le pied avant un retour aux affaires plus énervé avec Chris Motionless sur « Slaughterhouse 2 ».

Depuis A Tear In The Fabric Of Life, le groupe a entamé une mue pour devenir une des formations les plus excitantes, un groupe qui dégueule la confiance et n’a qu’une envie : partir à la conquête de notre microcosme Metal. Avec ce troisième album qui marque une nouvelle ascension pour le groupe et une tournée européenne avec Harm’s Way d’ici quelques mois, 2025 s’annonce un très grand cru. Et on a hâte de voir ce que l’avenir lui réserve. Espérons juste que leur rythme de sortie s’accélère un peu, parce qu’à peine 30 minutes après 3 ans d’attente, cela ne suscite qu’un seul sentiment : le manque.

9/10

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Pure Noise Records / 2024
Tracklist (27:34) 1. Thirst 2. Piece By Piece 3. Suffocate (feat. Poppy) 4. Don’t Reach For Me 5. Moss Covers All 6. Take Me Home 7. Slaughterhouse 2 (feat. Chris Motionless) 8. The Calm That Keeps You Awake 9. Blinding Faith 10. Sit & Mourn

Au rayon des groupes à tendance « -core », The Acacia Strain a toujours occupé une place spéciale dans mon cœur. Probablement parce que mon tout premier contact avec le groupe a été en live, dans une salle surchauffée, sur une affiche de furieux aux côtés de All Shall Perish et de Terror pour ne citer qu’eux. Vincent Bennett était au sommet de son art, (sur)jouant sa misanthropie sur les planches du Trix (qui s’appelait encore Hof Ter Lo, c’est dire que ça remonte à longtemps). Le voir s’époumoner sur « JFC » et son « I Am The End Of The World » désormais iconique m’avait marqué. S’il ne devait rester qu’un groupe du genre, ce serait celui-là.

Fast forward à 2025, Failure Will Follow va bientôt fêter ses 2 ans. Il serait peut-être temps d’en parler, non ? Trois morceaux, à l’exact opposé des agressions sonores de Step Into The Light sorti le même jour. Un cheminement, une lente marche dans un marais étouffant. Le doom revisité par une bande de coreux. Et des invités de marque : Dylan Walker, Sam Sawyer, Ethan McCarthy, sans oublier Abra Ingham et iRis.EXE. Là où Step Into The Light alignait les droites sans retenue, Failure Will Follow prend le temps de poser ses ambiances, de s’introduire pernicieusement dans l’esprit de l’auditeur, se permettant même une petite excursion sur les terrains du sludge avec son « Bog Walker » absolument grandiose. La bande à Vincent avait déjà dévoilé une partie de son potentiel doomesque sur son EP It Comes In Waves, il enfonce ici le clou avec conviction.

Chaque morceau est marquant, mais s’il faut en ressortir un du lot, ce serait sans aucun doute « Basin Of Vows ». Le growl de Vincent n’a jamais été aussi menaçant, Ethan vient en rajouter une couche avec ses growls made in une tonne de plomb (l’ambiance Primitive Man, y’a que ça de vrai) et on pense se diriger lentement mais sûrement sur un écrasement ininterrompu jusqu’à ce break aérien, presque lumineux.

« I don’t wish you the worst, because the worst is inside of you. ALWAYS »

Et la machine à annihiler se remet en route, inlassable, jusqu’à un final dantesque. J’ai arrêté de compter le nombre d’écoutes de ce morceau. Et à chaque fois, il me colle la chair de poule. En trois morceaux et presque 39 minutes, The Acacia Strain a pleinement dévoilé son potentiel et prouve à qui voudra bien l’entendre qu’un « bête » groupe de Deathcore peut sortir de sa zone de confort et de ses riffs d’homme des cavernes pour pondre une pure pépite de lourdeur et de misanthropie. Indispensable

9/10

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Rise Records / 2023
Tracklist (38:43) 1. Pillar Of Salt 2. Bog Walker 3. Basin Of Vows

 

Une fois n’est pas coutume, je me pencherai sur le cas de deux albums au sein d’une seule et même chronique. Par flemme ? Peut-être un peu, oui, mais cela réduit à néant les chances de voir les groupes et leurs labels partager cette chronique croisée (et pour être franc avec vous, je m’en secoue les kiwis). La principale motivation de cette démarche se trouve plutôt au niveau de la démarche des deux groupes : plonger tête première dans une ère musicale révolue, y pêcher quelques perles et essayer, avec plus ou moins de bonheur, de les accommoder avec leur bagage musical pour en faire un collier qui brillera de mille feux.

À ma gauche, les Transalpins de Bedsore, actifs depuis 2018 et géniteurs de Dreaming The Strife For Love, leur deuxième album chez 20 Buck Spin.

À ma droite, Blood Incantation et un troisième LP, Absolute Elsewhere, sorti chez Century Media.

À la fin de la première écoute de chacune de ces plaques, un constat s’impose : les deux groupes ont beau avoir un postulat de départ identique, leur cheminement est à mes yeux sensiblement différent.

Chez Blood Incantation, la combinaison Death Metal / prog 70s tient plus du mix eau / huile que du cocktail harmonieux : on a beau secouer le tout, l’émulsion ne prend pas. Il suffit d’entendre certaines transitions abruptes entre envolées 70s et Death Metal à la Morbid Angel pour se faire à l’idée que Blood Incantation propose davantage un patchwork qu’un réel ensemble bien intégré.

Bedsore, au contraire, parvient justement à marier Metal et prog en un ensemble cohérent. À aucun moment, je n’ai eu l’impression d’écouter deux albums collés bout à bout. Si je devais refaire un parallèle à la con impliquant des liquides, Dreaming The Strife For Love est une sauce qui aurait pris le temps de mijoter sur le coin du feu pendant des heures, avec un petit coup de cuillère en bois de temps en temps et un léger ajustement de l’assaisonnement.

Ceci étant dit, pour le fan de gros riffs et de blast que je suis, Blood Incantation garde un vrai visage Death Metal. Les ricains semblent avoir eu pour mot d’ordre « Des compromis ? Non merci ! ». Prenez « The Stargate [Tablet III] » ou le début de « The Message [Tablette III] » : ça, c’est du Death Metal ! Si tout l’album avait été du même tonneau, je suis certes persuadé que beaucoup moins de monde aurait crié au génie, mais on tiendrait entre les mains le meilleur album de Death de l’année ! Le son est incroyable, ça fleure bon la Floride, le gras, le marécage… Mais, comme je l’évoquais plus haut, les transitions sont rudes, parfois même au cœur d’un même morceau (« The Stargate [Tablet I] » qui semblait bien parti pour faire tomber les lambris avant la bascule à 2:01 vers des contrées sonores bien éloignées).

Bedsore, en revanche, a choisi la voie du compromis. Elle est bien loin, l’époque d’Hypnagogic Hallucinations ! Bon, OK, les Romains n’étaient pas aussi frontaux dans leur Death Metal, mais ils naviguaient tout de même sur des eaux bien plus agitées qu’aujourd’hui. Pour intégrer au mieux ces nouvelles sonorités, le groupe a revu la dose de gros riffs à la baisse pour que la recette soit harmonieuse. Et en quelque sorte, je regrette un peu cette décision parce que leur premier opus était très prometteur dans son genre.

Au final, Bedsore a peut-être sorti l’album qui correspond le mieux à un des arguments de vente avancés par Century Media pour son poulain du Colorado : (Blood Incantation) are leaving the notion of genre behind and writing a new language for extreme music itself. Pour moi, Bedsore est mieux parvenu à casser les frontières entre genres pour obtenir un résultat final qui aurait pu rencontrer un bien plus grand succès. Ou du moins qui l’aurait mérité.

Bedsore 8,5/10

20 Buck Spin / 2024
Tracklist (45:55) 1. Minerva’s Obelisque 2. Scars of Light 3. A Colossus, an Elephant, a Winged Horse; the Dragon Rendezvous 4. Realm of Eleuterillide 5. Fanfare for a Heartfelt Love 6. Fountain of Venus

Blood Incantation 7,5/10

Century Media Records / 2024
Tracklist (43:39) 1. The Stargate [Tablet I] 2. The Stargate [Tablet II] 3. The Stargate [Tablet III] 4. The Message [Tablet I] 5. The Message [Tablet II] 6. The Message [Tablet III]