Le premier essai solo de Kane Roberts (1987) n'avait pas obtenu un bien grand succès, malgré les attentes envers les compositions personnelles du guitariste et collaborateur d'Alice Cooper. Quatre ans plus tard, en 1991, Kane Roberts décidait de retenter sa chance avec un second disque intitulé Saints & Sinners que Yesterrock propose à la réédition, avec un nouveau mastering et quatre titres inédits. Mon compère Oshyrya n'avait pas été convaincu par la première tentative du sieur Roberts qu'il jugeait médiocre voire risible dans une chronique particulièrement saignante. Il est vrai que le look clownesque du chanteur-guitariste et la piètre qualité du single, « Rock Doll » au video clip particulièrement pathétique, ne constituaient pas des arguments très convaincants pour percer à travers les charts.

Quatre ans plus tard, Kane Roberts avait changé d'optique sensiblement. Exit ainsi les biscotos démesurés au profit d'une d'une photo mettant en valeur la gueule d'amour de Kane. Le changement était musical aussi puisque le heavy rock un peu lourdaud du premier album avait été remplacé par un Hard FM beaucoup plus commercial, à la fois car le style semblait à l'époque plus vendeur mais aussi car la musique de ce Saints & Sinners s'avère bien supérieure à ce proposait quatre ans plus tôt Roberts. À vrai dire, si l'on apprécie le hard rock mélodique teinté d'AOR, on ne peut pas ne pas accrocher à ce disque très réussi et très homogène. Du vicieux « Twisted » sur lequel plane l'ombre du Alice Cooper de l'époque de Trash au single très catchy « Does Anybody Really Fall In Love Anymore ? » en passant par le lyrique « Rebel Heart »,  jusqu'au très accessible « It's Only Over For You », je ne vois bien aucun déchet à l'horizon. Une note doit être faite tout particulièrement sur les chœurs présents sur les refrains : ils sont proprement impeccables, donnant lieu à quelques refrains que n'aurait pas renié un Bon Jovi des bons jours (« Fighter » ou « You Always Want It » dont le riff principal est aussi à signaler). Ces chœurs font un bien fou au disque, ne serait-ce que parce que la voix de Kane Roberts, très correcte, n'est néanmoins pas exceptionnelle. Ses parties guitares et ses solos sont bien plus réussis : pour l'époque, Roberts se logeait bien dans le haut du panier. Je recommande tout particulièrement l'écoute du solo de « Fighter » aux délicieux coups de vibrato et au souffle mélodique indéniable. 

La mariée serait presque trop belle… En effet, à s'attarder sur les crédits, on constate que plus que l'œuvre de Roberts, ce Saints & Sinners apparaît bien plus comme un disque de commande. Roberts n'a co-écrit que quelques titres, Diane Warren et surtout Desmond Child se taillant la part du lion. Ce dernier est d'ailleurs le producteur du disque et, tout comme à la composition, on ne peut nier qu'il ait fait un très bon travail. C'est sans doute lui qui a amené dans sa besace le second single « Does Anybody Really Fall In Love Anymore ? », sur lequel il avait commencé à travailler avec Bon Jovi (une version démo du groupe de New Jersey existe par ailleurs) et qu'il avait déjà proposé à Cher, pour son album Heart Of Stone (1989). Encore une fois, on ne peut remettre en cause le savoir-faire de Desmond Child dans le genre : ni Trash d'Alice Cooper, ni une bonne partie de Slippery When Wet de Bon Jovi n'auraient existé sans lui. Mais sa présence, sa patte si spécifique créent ici un sentiment de déjà entendu et, au final, d'inauthenticité. C'est dommage car, objectivement, dans le genre, ce Saints & Sinnners est une vraie réussite. C'est en quelque sorte, un témoignage du savoir-faire professionnel qui se manifestait dans les meilleures productions de hard mélodique avant que la vague grunge, puis néo-métal ne balaie tout cela. Kane Roberts disparut alors de la scène musicale avant de réapparaître en 1997 avec un nouveau disque Under A Wild Sky. Entre temps, l'homme s'était dirigé vers le monde des jeux vidéos, sans doute déçu de l'accueil moyen fait à ce disque qui concentrait tous ses espoirs. 

Baptiste [7,5/10]

 

PS : la version limitée de Yesterrock comprend quatre titres bonus. Ces derniers, notamment « House Burning Down » ou le plus rock que hard « Dirty Blonde », sont de bonne qualité, même s'ils ne profitent pas de la qualité sonore de l'album officiel. Ils méritent globalement le détour, se révélant toutefois un cran en dessous des dix autres moreaux de Saints & Sinners.  

Site officiel

Yesterrock – GerMusica / 2012

Trackiist (59:30) : 1. Wild Nights 2. Twisted 3. Does Anybody Really Fall In Love Anymore? 4. Dance Little Sister 5. Rebel Heart 6. You Always Want It 7. Fighter 8. I’m Not Lookin’ For An Angel 9. Too Far Gone 10. It’s Only Over For You.

Bonus Tracks : 1. House Burning Down 2. Waiting For You 3. Dirty Blonde 4. White Trash